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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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des Germains, on jugera facilement
qu’ils avaient peu de fer, puisqu’ils ne pouvaient en employer beaucoup à
l’usage qui devait paraître le plus noble aux yeux d’un peuple belliqueux. Les
guerres et les traités avaient introduit quelques espèces romaines, d’argent
pour la plupart, chez les nations qui habitaient les bords du Rhin et du
Danube ; mais les tribus plus éloignées n’avaient aucune idée de la
monnaie. Leur commerce borné consistait dans l’échange des marchandises, et de
simples vases d’argile leur paraissaient aussi précieux que ces coupes d’argent
dont Rome avait fait des présents à leurs princes et à leurs ambassadeurs [Tacite, Germ ., 6] . Ces faits principaux instruisent mieux un esprit capable
de réflexion que tout le détail minutieux d’une foule de circonstances
particulières. La valeur de la monnaie a été fixée, par un consentement
général, pour exprimer nos besoins et nos propriétés, comme les lettres ont été
inventées pour rendre nos pensées. Ces deux institutions, en augmentant la
force de la nature humaine, et en donnant à nos passions une énergie plus
active, ont contribué à multiplier les objets qu’elles devaient représenter.
L’usage de l’or et de l’argent est, en grande partie, idéal ; mais il
serait impossible de calculer les services nombreux et importants que
l’agriculture et tous les arts ont retirés du fer, lorsque ce métal a été épuré
par le feu et façonné par la main industrieuse de l’homme. En un mot, la
monnaie est l’attrait le plus universel de l’industrie humaine ; le fer
en  est l’instrument le plus puissant. Otez à un peuple ces deux moyens ;
qu’il ne soit ni excité par l’un ni secondé par l’autre, il ne pourra jamais
sortir de la plus grossière barbarie [720] .
    Si nous contemplons un peuple sauvage, dans quelque partie
du globe que puisse être, nous verrons une quiétude indolente et l’indifférence
sûr l’avenir former la partie dominante de son caractère. Dans un État
civilisé, l’âme tend à se développer ; toutes ses facultés sont
perpétuellement exercées, et la grande chaîne d’une dépendance mutuelle
embrasse et resserre les individus. La portion la plus considérable de la
société est constamment employée à des travaux utiles. Quelques-uns, placés par
la fortune au-dessus de cette nécessité, peuvent cependant occuper leur loisir 
en suivant l’intérêt ou la gloire, en augmentant leurs biens, en perfectionnant
leur intelligence, ou en se livrant aux devoirs, aux plaisirs, aux folies même
de la vie sociale. Les Germains n’avaient aucune de ces ressources. Ils
abandonnaient aux vieillards, aux gens infirmes, aux femmes et aux esclaves,
les détails domestiques, la culture des terres et le soin des troupeaux. Privé
de tous les arts qui pouvaient remplir son loisir, le guerrier  fainéant,
semblable aux animaux, passait ses jours et ses nuits à manger, et à dormir. Et
cependant, combien la nature ne diffère-t-elle pas d’elle-même ! selon la
remarque d’un écrivain qui en avait sondé toute la profondeur, ces mêmes
sauvages étaient tour à tour les plus indolents et les plus impétueux des
hommes. Ils aimaient l’oisiveté, ils détestaient le repos [Tacite, Germ .,
15] . Leur âme languissante, accablée de son propre poids, cherchait
avidement quelque sensation nouvelle, quelque objet capable de lui donner des
secousses. La guerre et ses horreurs avaient seules des charmes pour ces
caractères indomptés. Dès que le bruit des armes se faisait entendre, le
Germain, transporté, sortait tout à coup de son engourdissement : il volait aux
combats ; il se précipitait au milieu des dangers. Les violents exercices
du corps et les mouvements rapides de l’âme lui donnaient un sentiment plus vif
de son existence. Dans quelques tristes intervalles de paix, ces Barbares se
livraient sans aucune modération aux excès de la boisson et du jeu. Ces deux
plaisirs, dont l’un enflammait leurs passions et l’autre éteignait leur raison,
contribuaient ainsi, par des moyens différents, à les délivrer de la peine de
penser. Ils mettaient leur gloire à rester à table des journées entières.
Souvent ces assemblées de débauche étaient souillées du sang de leurs parents
et de leurs amis [ Ibid ., 22-23] . Ils payaient avec la  plus
scrupuleuse exactitude les dettes d’honneur ; car ce sont eux qui nous ont
appris à désigner ainsi les

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