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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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premiers
habitants de la péninsule, avaient des mœurs cruelles ; elles s’adoucirent
insensiblement par leur commerce avec les Grecs qui s’établirent le long des
côtes maritimes. Ces colons dégénérés et des Barbares a peine civilisés
formèrent le petit royaume du Bosphore, dont la capitale avait été bâtie sur le
détroit par où les eaux des Palus-Méotides tombent dans le Pont-Euxin. A
compter de la guerre du Péloponnèse, le Bosphore fut un État indépendant [857]  ; ensuite
il fut subjugué par l’ambitieux Mithridate [Appien, in Mithrid .]  ;
il céda plus fard, comme le reste des États de ce prince, à la force des armes
romaines. Après la chute de la république [858] ,
les rois du Bosphore obéirent à l’empire ; leur alliance ne lui fut point
inutile. Leurs armes leurs présents, et quelques fortifications élevées le long
de l’isthme, fermèrent aux Sarmates l’entrée d’un pays qui, par sa situation
particulière et par la bonté de ses ports, dominait le Pont-Euxin et
l’Asie-Mineure [859] .
Tant que le sceptre fut entre les mains d’une famille de rois héréditaires, ces
monarques s’acquittèrent de leurs fonctions importantes avec vigilance et avec
succès ; des factions domestiques, et les craintes que l’intérêt des
usurpateurs obscurs qui s’étaient emparés du trône vacant, introduisirent les
Goths dans le centre du Bosphore. Outre l’acquisition d’un pays fertile, les
conquérants obtinrent assez de vaisseaux pour transporter leurs armées sur les
côtes de l’Asie [Zozime, I] . Les bâtiments du Pont-Euxin étaient d’une
forme singulière : on ne se servait, pour naviguer sur cette mer que de légers
bateaux plats, construits en bois seulement sans aucun mélange de fer, et sur
lesquels, dès que la tempête approchait, on disposait un petit toit incliné [860] . Tranquilles
dans ces cabanes flottantes, les Goths bravaient une mer inconnue, et
abandonnaient à des matelots que  la force seule avait contraints à les servir,
et dont l’adresse ne devait pas leur être moins suspecte que la fidélité. Mais
l’espoir du butin bannissait toute idée de danger, et une intrépidité naturelle
suppléait à la confiance plus raisonnable qu’inspirent la science et
l’expérience. Sans doute des guerriers si audacieux murmuraient souvent contre
des guides timides qui, n’osant se livrer à la merci des flots sans les
assurances les plus fortes d’un calme constant, pouvaient à peine se résoudre à
perdre les côtes de vue. Telle est du moins aujourd’hui la pratique des Turcs [861]  ; et ces
peuples ne sont vraisemblablement pas inférieurs dans l’art de la navigation
aux anciens habitants du Bosphore.
    La flotte des Goths laissa la Circassie à gauche, et parut
d’abord vers Pityus [862] ,
la dernière limite des provinces romaines, ville pourvue d’un bon port [863] , et défendue par
une forte muraille. Ils y trouvèrent une résistance qu’ils n’attendaient pas de
la faible garnison d’une forteresse éloignée. Les Barbares furent repoussés :
cet échec sembla diminuer la ferveur de leur nom. Tous leurs efforts devinrent
inutiles, tant que la garde de cette frontière fût confiée à Successianus,
officier d’un rang et d’un mérite supérieurs. Mais aussitôt que Valérien l’eut
élevé à un poste plus honorable et moins important, ils renouvelèrent leurs
attaques, et la destruction de Pityus effaça le souvenir de leur premier revers [Zozime, I] .
    En suivant le contour de l’extrémité orientale du
Pont-Euxin, la navigation est d’environ trois cent milles [864] depuis Pityus
jusqu’à Trébisonde. Les Goths se portèrent à la vue de la Colchide, si fameuse
par l’expédition des Argonautes ; ils entreprirent même, mais sans succès,
de piller un riche temple à l’embouchure du Phase. Trébisonde, célébrée dans la Retraite des dix mille comme une ancienne colonie grecque [865] , devait sa
splendeur et ses richesses à la magnificence de l’empereur Adrien, qui avait
construit un port artificiel sur une côte où la nature n’a creusé aucun havre
assuré [866] .
La ville était grande et fort peuplée ; une double enceinte de murs semblait
défier la fureur des Barbares, et la garnison venait d’être renforcée de dix
mille hommes. Mais quels avantages peuvent suppléer à la vigilance et la
discipline ? Énervées par le luxe et ensevelies dans la débauche, les
nombreuses troupes de Trébisonde

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