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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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laissé leur flotte à Héraclée : ce fut dans cette  ville
qu’ils se rendirent avec une longue suite de chariots chargés des dépouilles de
la Bithynie ; et ils traversèrent cette malheureuse province à la lueur des
flammes de Nicée et de Nicomédie, qu’ils brûlèrent par caprice [Zozime, I] .
On parle obscurément d’un combat douteux qui assura leur retraite [873] ; mais une
victoire même complète ne leur aurait été que fort peu avantageuse, puisque
l’approche de l’équinoxe d’automne les avertissait de hâter leur retour.
Naviguer sur le Pont-Euxin avant le mois de mai ou après celui de septembre,
est, aux yeux des Turcs modernes, le comble de l’imprudence et de la folie [874] .
    Lorsque nous apprenons que la troisième flotte équipée par
les Goths, dans les ports de la Chersonèse Taurique, consistait en cinq cents
voiles [875] ,
aussitôt notre imagination multiplie leurs forces, et se représente un armement
formidable, mais, selon le témoignage du judicieux Strabon [XI] , les
bâtiments de corsaires, dont faisaient usage les Barbares du Pont et de la
petite Scythie, ne pouvaient contenir que vingt-cinq ou trente hommes ; ainsi,
nous ne craindrons pas d’assurer que quinze mille guerriers au plus
s’embarquèrent pour cette grande expédition. Impatients de franchir les limites
du Pont-Euxin, ils dirigèrent leur course destructive du Bosphore Cimmérien au
Bosphore de Thrace. A peine avaient-ils gagné le milieu du détroit, qu’ils
furent rejetés tout à coup à l’entrée. Un vent favorable les porta le lendemain
en peu d’heures dans la mer Tranquille, ou plutôt dans le lac de la Propontide.
Ils s’embarquèrent de la petite île de Cyzique, et détruisirent cette ville
célèbre depuis plusieurs siècles. De là, sortant par le passage étroit de
l’Hellespont, ils tournèrent toutes ces îles répandues sur l’Archipel ou la mer
Égée. Les captifs et les déserteurs durent alors leur être absolument
nécessaires pour leurs vaisseaux, et pour les guider dans leurs différentes
incursions sur les côtes de la Grèce et de l’Asie. Enfin ils abordèrent au Pirée,
cet ancien monument de la grandeur d’Athènes, dont il était éloigné de cinq
milles [Pline, H.N., III, 7] . Les habitants de cette ville semblaient
déterminés à une vigoureuse défense. Ils avaient essayé quelques préparatifs,
et Cléodame, l’un des ingénieurs nommés par l’empereur pour fortifier les
villes maritimes contre les Goths, avait déjà commencé à relever les murailles,
qui n’avaient point été réparées depuis Sylla. Les efforts de son art furent
inutiles ; et les Barbares devinrent maîtres de la patrie des Muses. Tandis
qu’ils s’abandonnaient au pillage et à des désordres de tout genre, leur
flotte, qu’ils avaient laissée dans le port sous une faible garde, fût tout à
coup attaque par Dexippus. Ce brave citoyen s’était échappé du sac d’Athènes avec
l’ingénieur Cléodame ; et, rassemblant à la hâte une bande de volontaires,
tant paysans que soldats, il vengea en quelque sorte les malheurs de sa patrie [876] .
    Cet exploit, quelque éclat qu’il ait pu jeter au milieu des
ténèbres qui couvraient alors la gloire d’Athènes, servit plutôt à irriter qu’a
abattre le caractère indomptable des conquérants du Nord. Un incendie général
ravagea dans le même temps toute la Grèce, Thèbes et Argos, Corinthe et Sparte,
ces républiques si longtemps rivales, et qui s’étaient illustrées par tant
d’actions mémorables les unes contre-les autres, ne purent mettre une armée en
campagne, ni même défendre leurs fortifications ruinées. Le feu de la guerre se
répandit par mer et par terre depuis la pointe de Sunium jusqu’à la côte occidentale
de l’Epire. Déjà les Goths se montraient presque à la vue de l’Italie, lorsque
l’approche d’un danger si imminent réveilla l’indolent Gallien. Sorti tout à
coup de l’ivresse du plaisir, l’empereur prit les armes. Il parait que sa
présence réprima l’audace et divisa les forces de l’ennemi. Naulobatus, chef
des Hérules, accepta une capitulation honorable, entra au service de Rome avec
un détachement considérable de ses compatriotes, et fut revêtu des ornements de
la dignité consulaire, qui jusque-là n’avait jamais été profanée par la main
d’un Barbare [877] .
Un grand nombre de Goths, dégoûtés des périls et des fatigues d’un voyage
ennuyeux, s’enfoncèrent

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