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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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qui il est lié par les nœuds du sang ou de
l’amitié : cette affection s’exprime avec peu de vivacité, mais d’une
manière naturelle et vraie. La longue et étroite amitié qui l’unit avec le lord
Sheffield et avec M. Deyverdun, est une preuve de l’attachement qu’il était
capable de sentir et d’inspirer, et l’on conçoit sans peine que l’on pût
s’attacher solidement à un homme dont le cœur sans passion versait dans la
société de ses amis tout ce qu’il possédait de sensibilité ; dont l’esprit
aimait à les faire jouir de ses solides agréments, et dont l’âme honnête et
modérée, si elle n’a pas donné beaucoup de chaleur à son esprit, n’en a presque
jamais du moins obscurci les vives lumières.
    La tranquillité d’âme de Gibbon fut cependant troublée, dans
les dernières années de sa vie, par le spectacle de notre révolution, contre
laquelle, après quelques moments d’espérance, il se tourna avec une telle
chaleur, qu’aucun de ceux que nos troubles avaient chassés de la France et qui
le virent à Lausanne ne pouvait égaler sa vivacité à cet égard. Il s’était
pendant quelque temps brouillé avec M. Necker ; mais la  connaissance qu’il
avait du caractère et des intentions de cet homme vertueux, ses malheurs et les
sentiments de douleur qu’il partageait avec Gibbon sur les maux de la France,
renouèrent bientôt les liens de leur ancienne amitié. L’effet de la révolution
avait été pour lui ce qui a été pour beaucoup d’hommes éclairés sans doute,
mais qui avaient écrit d’après leurs réflexions plutôt que d’après une
expérience qu’ils ne pouvaient avoir ; elle le fit revenir avec
exagération sur des opinions qu’il avait longtemps soutenues. J’ai pensé
quelquefois , dit-il dans ses Mémoires , à l’occasion de la
révolution, à écrire un Dialogue des Morts, dans lequel Voltaire, Érasme et
Lucien, se seraient, mutuellement avoué combien il est dangereux d’exposer une
ancienne superstition au mépris d’une multitude aveugle et fanatique . C’est
sûrement en sa qualité de vivant que Gibbon ne se serait pas mis en quatrième
dans le Dialogue et dans les aveux. Il soutenait alors n’avoir attaqué
le christianisme que parce que les chrétiens détruisaient le polythéisme, qui
était l’ancienne religion de l’empire. L’Église primitive , écrit-il au
lord Sheffield, dont j’ai parlé un peu familièrement était une innovation,
et j’étais attaché à l’ancien établissement du paganisme . Il aimait
tellement à professer son respect pour les anciennes institutions, que
quelquefois, en plaisantant à la vérité, il s’amusait à défendre l’inquisition.
    Il avait reçu, en 1791, à Lausanne, une visite du lord
Sheffield accompagné de sa famille ; il avait promis de la lui rendre
promptement en Angleterre : cependant les troubles de la révolution
toujours croissants, et la guerre qui rendait toutes les routes dangereuses,
son énorme grosseur, et des incommodités longtemps négligées, qui tous les
jours lui rendaient le mouvement plus difficile, lui faisaient remettre de mois
en mois cette effrayante entreprise ; mais enfin, en 1793, sur la nouvelle
de la mort de lady Sheffield, qu’il aimait tendrement et qu’il appelait sa
sœur, il partit sur-le-champ pour aller consoler son ami, au mois de novembre
de cette année. Six mois environ après son arrivée en Angleterre, ces
incommodités, dont l’origine remontait, à ce qu’il parait, à plus de trente
ans, s’accrurent à un tel point qu’elles l’obligèrent à subir une opération
qui, plusieurs fois renouvelée, lui laissa l’espérance de la guérison jusqu’au
16 janvier 1794, qu’il mourut sans inquiétude comme sans douleur.
    Gibbon laissa une mémoire chère à ceux qui l’ont connu, et
une réputation établie dans toute l’Europe. Son Histoire de la Décadence et
de la Chute de l’Empire romain peut, dans quelques parties négligées,
laisser trop voir la fatigue d’un si long travail : on peut désirer un peu
plus de cette vivacité d’imagination qui transporte le lecteur au milieu des
scènes qu’on lui décrit, de cette chaleur de sentiment qui l’y place, pour
ainsi dire, comme acteur avec ses passions et ses intérêts personnels ; on y
peut trouver entre la vertu et le vice poussés quelquefois trop loin, et
regretter que cette pénétration ingénieuse, qui décompose et démêle si bien les
diverses

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