Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
générale des croisades
considérées du moins comme ayant contribué à la chute de l’empire grec. Il
serait difficile aussi d’interdire à la curiosité quelques recherches sur
l’état où se trouvait la ville de Rome au milieu des ténèbres et de la
confusion du moyen âge.
En hasardant, peut-être avec trop de précipitation la
publication d’un ouvrage, à tous égards imparfait, j’ai senti que je
contractais l’engagement de terminer au moins là première période, et de
présenter au public une Histoire complète de la décadence et de la chute des
Romains , depuis le siècle des Antonins jusqu’à la destruction de l’empire
en Occident. Quelles que puissent être mes espérances, je n’ose rien promettre
au sujet des périodes suivantes : l’exécution du vaste plan que j’ai tracé
remplirait le long intervalle qui sépare l’histoire ancienne de l’histoire
moderne ; mais il exigerait plusieurs années de santé, de loisir et de
persévérance.
Iam provideo
animo, velut qui proximis litori vadis inducti mare pedibus ingrediuntur,
quidquid progredior, in vastiorem me altitudinem ac velut profundum invehi et
crescere paene opus, quod prima quæque perficiendo minui videbatur.
Mon esprit s'effraie de
l'avenir : je suis comme un homme qui, des bas-fonds voisins du rivage,
descendrait à pied dans la mer ; plus j'avance, plus je vois s'ouvrir devant
moi de vastes profondeurs et comme un abîme sans fond ; il semble que ma tâche
s'agrandisse au lieu d'avancer, vers sa fin, comme je le croyais, à mesure que
j'en achevais les premières parties
Tite-Live, l. XXXI, c.
I.
Avertissement de l’auteur.
LE soin et l’exactitude dans la recherche des faits, sont le
seul mérite dont un historien puisse se glorifier, si toutefois, il y a quelque
mérite à remplir un devoir indispensable. Il doit donc m’être permis de
déclarer que j’ai soigneusement examiné toutes les sources premières propres à
me fournir quelques éclaircissements sur le sujet que j’ai entrepris de
traiter. Si je parviens un jour à exécuter, dans toute son étendue, le plan
dont j’ai tracé l’esquisse, dans ma préface, je terminerai peut-être mon
ouvrage par des recherches critiques sur tous les auteurs que j’aurai consultés
dans le courant de mon travail ; et bien qu’à certains égards une
semblable entreprise parût prêter au reproche d’ostentation, je n’en suis pas
moins persuadé qu’elle pourrait offrir des résultats aussi intéressants
qu’instructifs.
Je ne me permettrai maintenant qu’une seule
observation : les biographes qui, sous les règnes de Dioclétien et de
Constantin, ont composé ou plutôt compilé les vies des empereurs, depuis Adrien
jusqu’aux fils de Carus, sont ordinairement connus sous les noms d’Ælius
Spartien, de Jules Capitolin, d’Ælius Lampride, de Vulcatius Gallicanus, de Trebellius
Pollion et de Flavius Vopiscus ; mais il se trouve tant de confusion dans
les titres des manuscrits , et il s’est élevé parmi les critiques tant de
disputes concernant leurs noms, leur nombre, et la part respective qu’ils ont
eue à ce travail (Voyez Fab., Bib. lat ., l. III, c. 6), que je les ai
cités, pour la plupart, sans distinction, sous le titre général et connu de
l’Histoire Auguste.
Chapitre premier
Étendue et force militaire de l’empire dans le siècle des Antonins.
Au second siècle de l’ère chrétienne, l’empire romain
comprenait les plus belles contrées de la terre et la portion la plus civilisée
du genre humain. Une valeur disciplinée, une renommée antique, assuraient les
frontières de cette immense monarchie. L’influence douce, mais puissante des
lois et des mœurs, avait insensiblement cimenté l’union de toutes les
provinces : leurs habitants jouissaient et abusaient, au sein de la paix,
des avantages du luxe et des richesses. On conservait avec un respect bienséant
l’usage d’une constitution libre. Le sénat romain possédait; en apparence,
l’autorité souveraine, et les empereurs étaient revêtus de la puissance
exécutive. Pendant plus de quatre-vingts ans [98 – 180], l’administration
publique fut dirigée par les talents et la vertu de Trajan, d’Adrien et des
deux Antonins. Ces trois chapitres seront consacré à décrire d’abord l’état
florissant de l’empire durant cette heureuse période ; ensuite, et depuis
la mort de Marc-Aurèle, les principales circonstances de sa décadence et de
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