Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
souveraine, et consolant lui-même ses amis affligés [988] .
Après avoir soumis l’Orient, Aurélien revint en Europe. Dès
qu’il eut passé le détroit qui la sépare de l’Asie, il apprit que le gouverneur
et la garnison de Palmyre venaient d’être massacrés, et que les habitants
avaient de nouveau levé l’étendard de la révolte. Cette nouvelle allume sa
colère ; il part sans hésiter, vole une seconde fois en Syrie. Sa marche
précipitée jette, l’épouvante dans Antioche : bientôt Palmyre éprouve tout le
poids de son ressentiment. Il existe encore une lettre de ce prince, où il
avoue lui-même [ H. Aug. , p. 219] que les enfants, les femmes, les
vieillards et les paysans, confondus avec les rebelles, ont été enveloppés dans
un massacre général. Quoiqu’il paraisse occupé principalement à rétablit un
temple du Soleil, il laisse voir quelque pitié pour le petit nombre de
Palmyréniens qui ont échappé à la destruction de leur patrie ; il leur
accorde l’a permission de rebâtir et d’habiter leur ville. Mais il est plus
aisé de détruire que de réparer : le siège du commerce, des arts et de la
grandeur de Zénobie devint successivement une ville obscure, une forteresse peu
importante, et enfin un misérable village. Aujourd’hui les citoyens de Palmyre,
qui consistent en trente ou quarante familles, ont construit leurs huttes de
terre dans l’enceinte spacieuse d’un temple magnifique.
La vigilance d’Aurélien l’avait fait triompher de ses plus
fiers rivaux. Il ne restait plus à ce prince qu’à détruire un rebelle obscur,
mais qui, durant la révolte de Palmyre, s’était formé un parti sur les rives du
Nil. Firmus, qui s’appelait orgueilleusement l’ami, l’allié d’Odenat et de
Zénobie, n’était qu’un riche marchand d’Égypte. Le commerce qu’il avait fait
dans l’Inde lui avait procuré des liaisons intimes avec les Blemmyes et les
Sarrasins, qui, maîtres des bords de la mer Rouge, pouvaient pénétrer dans sa
patrie et faciliter l’exécution de ses projets. Il enflamma les Égyptiens en
faisant briller à leurs yeux l’espoir de la liberté ; et, suivi d’une multitude
furieuse, il s’empara d’Alexandrie, où il prit la pourpre impérial, frappa des
monnaies, publia des édits et leva une grande armée, qu’il se vantait d’être
capable d’entretenir avec la vente seule de son papier. De pareilles forces
étaient une faible défense contre celles d’Aurélien. Il est presque inutile de
dire que Firmus fut défait, pris, livré à la torture, et mis à mort. Le sénat
et le peuple durent alors applaudir aux succès d’Aurélien. Ce prince pouvait se
féliciter d’avoir, en moins de trois ans, rétabli la paix et l’harmonie dans
l’univers romain [989] .
Depuis la fondation de la république, aucun général n’avait
été plus digne qu’Aurélien des honneurs du triomphe [an 274] . Jamais
triomphe ne fut célébré avec plus de faste et de magnificence [990] : on vit
d’abord paraître vingt éléphants, quatre tigres royaux, et plus de deux cents
animaux garés tirés des différents climats du Nord, de l’Orient et du Midi. A
leur suite marchaient seize cents gladiateurs dévoués aux jeux cruels de
l’amphithéâtre. Les trésors de l’Asie, les armes et les drapeaux de tant de
nations conquises, la vaisselle et les vêtements précieux de la reine de
Palmyre, avaient été disposés avec symétrie, ou placés dans un désordre étudié.
Des ambassadeurs des parties de la terre les plus éloignées, de l’Éthiopie, de
l’Arabie, de la Perse, de la Bactriane, de l’Inde et de la Chine, tous
remarquables par la richesse ou par la singularité de leurs vêtements,
rendaient hommage à la renommée et à la puissance de l’empereur romain. Ce
prince avait exposé pareillement en publie les présents dont il avait été
comblé, et surtout les couronnes d’or que lui avaient données un grand nombre
de villes reconnaissantes. Une longue suite de captifs goths, vandales,
sarmates, allemands, francs, gaulois, syriens et égyptiens, qui s’avançaient
avec une sombre contenance, attestaient les victoires d’Aurélien. Chaque peuple
était distingué par une inscription particulière, et l’on avait désigné sous le
titre d’amazones les dix guerrières de la nation des Goths qui avaient été
prises les armes à la main [991] .
Mais les spectateurs, dédaignant la foule des prisonniers, fixaient les yeux
sur
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