Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Floranus. Ils
connaissent bien le caractère du prince qu’ils ont choisi , s’écria Tacite
avec le transport généreux d’un patriote. 6° à ces différentes branches
d’autorité nous pouvons ajouter quelque inspection sur les finances ; puisque,
même, sous le règne du sévère Aurélien, ils avaient pu détourner une partie des
fonds destinés au service public [1021] .
Aussitôt après l’avènement de Tacite, des lettres
circulaires furent envoyées à toutes les principales villes de l’empire,
Trèves, Milan, Aquilée, Thessalonique, Corinthe, Athènes, Antioche, Alexandrie
et Carthage, pour exiger d’elles le serment de fidélité ; et pour leur
apprendre l’heureuse révolution qui venait de rendre au sénat son antique
splendeur. Deux de ces lettres existent encore. Il nous est aussi parvenu deux
fragments curieux de la correspondance particulière des sénateurs à ce sujet.
On voit que, dans l’excès de leur joie, ils avaient conçu les espérances les
plus magnifiques. Sortez de votre indolence , c’est ainsi que s’exprime
l’un d’entre eux en écrivant à son ami, arrachez-vous de votre retraite de
Bayes et de Pouzzole. Livrez-vous à la ville, au sénat. Rome fleurit, la
république entière fleurit. Rendons mille actions de grâce à l’armée romaine, à
une armée véritablement romaine. Notre juste autorité, cet objet de tous nos
désirs, est enfin rétablie. Nous recevons les appels, nous nommons les
proconsuls, nous créons les empereurs. Ne pouvons-nous pas aussi mettre des bornes
à leur puissance ? ……… A un bomme sage en mot suffit [1022] . Ces images
brillantes disparurent bientôt. Il n’était réellement pas possible que les
armées et les provinces consentissent à obéir longtemps à des notables plongés
dans la mollesse, et dont les bras ne connaissaient plus l’usage des armes. A
la première atteinte, on vit s’écrouler tout cet édifice d’une puissance et
d’un orgueil sans fondement. L’autorité expirante du sénat répandit une lueur
subite, brilla pour un moment, et fut éteinte à jamais.
Tout ce qui se passait à Rome n’était qu’une vaine
représentation de théâtre. Il fallait que les décisions d’une faible assemblée
fussent ratifiées par la force plus réelle des légions. Tandis que les
sénateurs se laissaient éblouir par un fantôme d’ambition et de liberté, Tacite
se rendit au camp de Thrace [en 276] , où le préfet du prétoire le
présenta aux troupes assemblées comme le souverain qu’elles avaient demandé, et
que leur accordait le sénat. Dès que le préfet eut cessé de parler, l’empereur
prononça un discours éloquent et convenable à sa situation. Il satisfit
l’avarice des soldats en leur distribuant des sommes considérables sous le nom
de gratification et de paye ; et il sut gagner leur estime par la noble
assurance que si son grand âge ne lui permettait pas de leur donner l’exemple,
ses conseils ne seraient jamais indignes d’un général romain, successeur, du
brave Aurélien [ H. Aug ., p. 228] .
Dans le temps que le dernier empereur se préparait à porter
une seconde fois ses armes en Orient, il avait négocié avec les Alains, peuple
scythe, qui dressait ses tentes dans le voisinage des Palus-Motides. Séduits
par des présents et par des subsides, ces Barbares avaient promis d’entrer en
Perse avec un corps nombreux de cavalerie légère. Ils furent fidèles à leurs
engagements ; mais lorsqu’ils arrivèrent sur la frontière romaine, Aurélien
n’était plus, et sa mort avait au moins suspendu le projet de la guerre de
Perse. Les généraux qui durant l’interrègne, n’exerçaient qu’une autorité
douteuse, ne se trouvèrent point en état de recevoir ces nouveaux alliés, ni de
leur résister. Les Alains, irrités d’une conduite dont les motifs leur
paraissaient frivoles, accusèrent hautement les Romains de perfidie ; ils
eurent recours à leur propre valeur pour se venger, et pour obtenir le paiement
qu’on leur refusait. Comme ils marchaient avec la vitesse ordinaire des
Tartares, ils se répandirent bientôt dans les provinces du Pont, de la
Cappadoce, de la Cilicie et de la Galatie. Les légions qui, des rives opposées
du Bosphore, pouvaient presque apercevoir les flammes des villes et des
villages embrasés, sollicitaient vivement leur général de les mener contre
l’ennemi. Tacite se conduisit comme il convenait à son âge et à sa dignité. Son
but était
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