Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
de si beaux commencements. Il permit au sénat de
diriger l’administration civile. Se regardant comme son général, il se
contentait de soutenir l’honneur des armes romaines. Souvent même il déposait à
ses pieds les couronnes d’or et les dépouilles des Barbares, fruits de ses
nombreuses victoires [1033] .
Mais, en flattant ainsi la vanité des sénateurs, ne devait-il pas
intérieurement mépriser leur indolence et leur faiblesse ? Les successeurs des
Scipions semblaient n’avoir hérité que de l’orgueil de leurs ancêtres.
Quoiqu’il fût à tout moment en leur pouvoir de faire révoquer l’édit
flétrissant de Gallien. Ils consentirent patiemment à rester exclus du service
militaire. L’instant approchait où ils allaient éprouver que refuser l’épée
c’est renoncer au sceptre.
La force d’Aurélien avait écrasé de tous côtés les ennemis
de Rome. Après sa mort ils parurent renaître et même se multiplier. Ils furent
de nouveau vaincus par la vigueur et par l’activité de Probus, qui, dans un
règne de six ans [1034] environ, égala les anciens héros, et rétablit l’ordre dans toute l’étendue de
l’univers romain. Il assura si bien les frontières de la Rhétie, province
exposée depuis longtemps à toutes les horreurs de la guerre, qu’il en éloigna
toute crainte d’hostilité. La terreur de ses armes dispersa les Sarmates. Les
tribus errantes de ces Barbares, forcées d’abandonner leur butin, retournèrent
dans leurs déserts. La nation des Goths rechercha l’alliance d’un prince si
belliqueux [1035] .
Il attaqua les Isaures dans leurs montagnes [1036] , assiégea et
prit un grand nombre de leurs fortes citadelles [1037] et se flatta
avoir détruit pour jamais un ennemi domestique, dont l’indépendance insultait
si cruellement a la majesté de l’empire. Les troubles excités dans la Haute
Égypte par l’usurpateur Firmus, n’avaient point été tout à fait apaisés. Le
foyer de la rébellion existait encore dans les villes de Ptolémaïs et de Coptos
soutenues par les Blemmyes [1038] .
On prétend que le châtiment de ces villes, et des sauvages du Midi, leurs
auxiliaires, alarma la cour de Perse [1039] ,
et que le grand roi sollicita vainement l’amitié de l’empereur romain. Les
entreprises mémorables qui distinguèrent le règne de Probus furent pour la
plupart terminées par sa valeur et par sa conduite personnelle. L’historien de
sa vie est étonné que dans un si court espace de temps, un seul homme ait pu se
trouver présent a tant de guerres éloignées. Ce prince confia les autres
expéditions au soin de ses lieutenants, dont le choix judicieux ne doit pas
moins contribuer à sa gloire. Carus, Dioclétien, Maximien, Constance, Galère,
Asclépiodate, Annibalien, et une foule d’autres chefs, qui par la suite
montèrent sur le trône, ou qui le soutinrent, avaient appris le métier des
armes à l’école sévère d’Aurélien et de Probus [1040] .
Mais le plus grand service que Probus rendit à la république
fut la délivrance de la Gaule, et la prise de soixante-dix places florissantes
opprimées par les Barbares de la Germanie, qui, depuis la mort d’Aurélien,
ravageaient impunément cette grande province [1041] . Au milieu de
la multitude confuse de ces fiers conquérants, il n’est pas impossible de
discerner trois grandes armées, ou plutôt trois nations défaites par l’empereur
romain. Probus chassa les Francs dans leurs marais, d’où nous pouvons inférer
que la confédération connue sous le nom glorieux d’ hommes libres ,
occupait déjà le pays plat maritime, coupé et presque inondé par les eaux
stagnantes du Rhin. Il paraît aussi que les Frisons et les Bataves avaient
accédé à leur alliance. L’empereur vainquit les Bourguignons, peuple
considérable de la race des Vandales. Entraînés par le désir du pillage, ils
s’étaient répandus des rives de l’Oder jusqu’aux bords de la Seine [1042] . Ils se crurent
d’abord trop heureux d’acheter par la restitution de tout leur butin la
permission de se retirer tranquillement ; lorsqu’ils essayèrent ensuite
d’éluder cet article du traité, leur punition fut prompte et terrible [1043] . Mais de tous
les peuples qui envahirent la Gaule, le plus formidable était les Lygiens, qui
possédaient de vastes domaines sur les frontières de la Pologne et de la
Silésie [1044] .
Parmi ces Barbares, les Aries tenaient le premier rang par leur nombre et par
leur
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