Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
élevés aux dépens de Maxence furent dédiés à son heureux
rival. L’arc de triomphe de Constantin est encore maintenant une triste preuve
de la décadence des arts, et un témoignage singulier de la plus basse vanité.
Comme il ne fut pas possible de trouver dans la capitale de l’empire un sculpteur
capable de décorer ce monument public, l’arc de Trajan, sans aucun respect pour
la mémoire d’un si grand prince ou pour les règles de la convenance, fut
dépouillé de ses plus beaux ornements. On n’eut point égard à la différence des
temps et des personnes, des actions et des caractères ; les Parthes
captifs paraissent prosternés aux pieds d’un monarque qui n’a jamais porté ses
armés au-delà de l’Euphrate, et les antiquaires curieux peuvent encore
apercevoir la tête de Trajan sur les trophées de Constantin. Les nouveaux
ornements qu’il fallut ajouter aux anciennes sculptures, pour en remplir les
vides, sont exécutés de la manière la plus informe et la plus grossière [1302] .
La politique, aussi bien que le ressentiment, exigeait
l’entière abolition des prétoriens : ces troupes hautaines, dont Maxence
avait rétabli et même augmenté le nombre et les privilèges furent pour jamais
cassées par Constantin ; on détruisit leur camp fortifié, et le reste des
prétoriens, qui avait échappé à la fureur du combat, fût dispersé parmi les
légions et relégué sur les frontières de l’empire, où ces guerriers pouvaient
être utiles sans devenir encore dangereux [1303] .
En supprimant les troupes qui avaient leur poste à Rome, Constantin porta le
coup fatal à la dignité du sénat et du peuple ; la capitale désarmée resta
exposée, sans protection, à la négligence et aux insultes d’un maître éloigné.
Nous pouvons observer que dans ce dernier effort des Romains pour conserver
leur liberté expirante, l’appréhension d’un tribut les avait d’abord engagés à
placer Maxence sur le trône. Ce prince ayant exigé du sénat ce tribut sous le
nom de don gratuit, ils implorèrent alors l’assistance du souverain des Gaules.
Constantin vainquit le tyran, et convertit le don gratuit en taxe perpétuelle.
Les sénateurs, suivant leurs facultés, dont ils furent forcés de donner une
déclaration, furent partagés en différentes classes : les plus opulents
payaient annuellement huit livres d’or ; on en exigea quatre de la seconde
classe, et deux de la dernière ; ceux, qui par leur pauvreté, méritaient
une exemption, furent cependant taxés à sept pièces d’or. Outre les membres de
cette assemblée, leurs fils, leurs descendants, leurs parents même, jouissaient
des vains privilèges attachés à la dignité de sénateur, et ils en supportaient
les charges onéreuses. On ne s’étonnera plus que Constantin ait pris tant de
soin pour augmenter le nombre des personnes comprises dans une classe si utile [1304] . Après la
défaite de Maxence, le victorieux empereur ne resta que deux ou trois mois à
Rome. Il séjourna deux fois dans cette capitale pendant le reste de sa vie,
pour célébrer les fêtes solennelles de la dixième et de la vingtième année de
son règne. Constantin, presque toujours en action, s’occupait à exercer ses
soldats et à examiner l’état des provinces. Il résida tour à tour, et selon les
occasions, à Trèves, à Milan, à Aquilée, à Sirmium, à Naisses et à
Thessalonique, jusqu’à ce qu’il eût bâti une NOUVELLE R OME sur
les confins de l’Europe et de l’Asie [1305] .
Avant de marcher en Italie il s’était assuré de l’amitié ou
du moins de la neutralité de Licinius [mars 313] , souverain des
provinces illyriennes. Constantin avait promis à ce prince sa sœur Constantia ;
mais la célébration du mariage avait été différée jusqu’à ce que la guerre eût
été terminée. L’entrevue des deux empereurs à Milan, lieu désigné pour cette
cérémonie, parut cimenter l’union de leurs intérêts et de leurs familles [1306] . Au milieu de
la joie publique ils furent tout à coup obligés de se séparées. Constantin, à
la nouvelle d’une incursion des Francs, vola sur les rives du Rhin ; et
l’approche des souverains de l’Orient, qui s’avançait les armes à la main,
força Licinius de marcher en personne à sa rencontre. Maximin avait été l’allié
secret de Maxence sans être découragé par le sort funeste de ce tyran, il
résolut de tenter la fortune d’une guerre civile. De la Syrie il se
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