Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
démêlés de
Magnence allaient être plus sanglants, et plus dangereux : l’usurpateur
s’avançait par des marches rapides, à la tête d’une armée nombreuse, composée
d’Espagnols, de Gaulois, de Francs, de Saxons, de ces habitants ces provinces
qui recrutaient les régions, et de ces Barbares qu’on regardait comme les plus
formidables ennemis de la république. Les plaines fertiles [2055] de la Basse
Pannonie, entre la Drave, la Save et le Danube, offraient un vaste théâtre ;
mais durant les mois de l’été les opérations de la guerre civile furent traînés
en longueur par l’habileté ou la timidité des combattants [2056] . Constance
avait annoncé son intention de décider la querelle dans les plaines de Cibalis,
dont le nom devait animer ses troupes par le souvenir de la victoire de
Constantin son père, remportée sur le même terrain. Cependant les
fortifications inattaquables, dont il environnait son camp annonçaient plutôt
l’envie d’éviter la bataille que celle de la chercher. L’objet de Magnence
était d’obliger son adversaire, par la ruse ou par la force, à quitter cette
position avantageuse, et il y employa les différentes marches, évolutions et
stratagèmes que la connaissance de l’art militaire pouvait suggérer à un
officier expérimenté. Il emporta d’assaut l’importante ville de Siscia, attaqua
la ville de Sirmium, qui était située derrière le camp, essaya de forcer un
passage au-dessus de la Save pour entrer dans les provinces orientales de
l’Illyrie, et tailla en pièces un gros détachement qu’il avait attiré dans les
défiles d’Adarne. Pendant presque tout l’été l’usurpateur des Gaules fut maître
de la campagne. Les troupes de Constance étaient harassées et découragées ; sa
réputation se perdait, et son orgueil descendit à solliciter un traité de paix
qui aurait assuré à l’assassin de Constans la souveraineté des provinces
au-delà des Alpes. Philippe, l’ambassadeur impérial appuya ces propositions de
toute son éloquence : le conseil et l’armée de Magnence étaient disposés à les
acceptée, mais le présomptueux usurpateur, méprisant les conseils de ses amis,
fit retenir Philippe en captivité, ou du moins en otage, tandis qu’il envoyait
un officier reprocher à Constance, la faiblesse de son règne, et lui offrir un
pardon insultant, s’il quittait, sans hésiter, la pourpre et l’empire. La
seule réponse que l’honneur permît à Constance fut qu’il mettait sa
confiance dans la justice de sa cause ; et la protection d’un Dieu vengeur .
Il sentait si vivement le danger de sa situation, qu’il n’osa pas punir, sur
l’insolent envoyé de Magnence, la détention de son ambassadeur. La négociation
de Philippe ne fût cependant pas inutile, puisqu’il engagea Silvanus le Franc,
général d’une réputation distinguée, à déserter avec un corps considérable de
cavalerie, peu de jours avant la bataille de Mursa.
La ville de Mursa ou Essek, célèbre dans les temps modernes
par un pont de bateaux de cinq milles de longueur sur la Dave et sur les marais
adjacents [2057] ,
a toujours été considérée, dans les guerres de Hongrie, comme une place
importante. Magnence, dirigeant sa marche sur Marsa, fit mettre le feu aux
portes, et, par un assaut précipité, avait presque escaladé les murs de la
ville. La vigilante garnison éteignit les flammes. L’approche de Constance ne
lui laissa pas le temps de continuer le siège, et l’empereur détruisit bientôt
l’obstacle qui gênait seul les mouvements de son armée, en forçant un corps de
troupes qui s’était posté dans un amphithéâtre voisin de la ville. Le champ de
bataille qui environnait Mursa était une plaine unie et découverte. L’armée de
Constance s’y rangea en bataille. Elle avait à sa droite la Drave ; et sa
gauche, soit à raison de l’ordre de bataille ou de la supériorité en cavalerie,
dépassait de beaucoup la droite des ennemis [2058] . Les deux
armées restèrent une partie de la matinée sous les armes dans une inquiète
attente ; et le fils de Constantin, après avoir animé ses soldats par un
discours éloquent, se retira dans une église, à quelque distance du champ de
bataille, et remit à ses généraux la conduite de cette journée décisive [2059] . Ils se
montrèrent dignes de sa confiance par leur valeur, et par leurs savantes
manœuvres. Ils engagèrent sagement l’action par la gauche ; et avançant leur
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