Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
aile
entière de cavalerie sur une ligne oblique, ils la tournèrent précipitamment
sur le flanc droit de l’ennemi, qui n’était point préparé à soutenir
l’impétuosité de leur attaque. Mais les Romains de l’Occident se rallièrent
bientôt par l’habitude de la discipline ; et les Barbares de la Germanie
soutinrent la réputation de leur intrépidité nationale. L’affaire devint
générale, se soutint avec des succès variés et de singuliers retours de
fortune, et finit à peine avec le jour. On accorda à la cavalerie l’honneur de
la victoire éclatante que remporta Constance. Ses, cuirassiers sont représentés
comme autant de colonnes d’acier massif ; leurs armures brillantes
éblouissaient les légions gauloises, dont ils rompaient l’ordre serré avec
leurs lances d’une énorme pesanteur. Dès que les légions furent en désordre, la
cavalerie légère pénétra dans les rangs l’épée à la main et acheva la déroute.
Cependant les grands corps des Germains se trouvaient exposés presque nus à la
dextérité des archers orientaux, et des troupes entières de ces Barbares se
jetaient, de douleur et de désespoir, dans le cours large et rapide de la Drave [2060] . On fait monter
le nombre des morts à cinquante-quatre mille, et la perte des vainqueurs fut
supérieure celle des vaincus [2061] .
Cette circonstance prouve l’acharnement du combat, et justifie l’observation
d’un ancien écrivain, qui prétend que la fatale bataille de Mursa avait épuisé
les forcés de l’empire, par la perte d’une armée de vétérans suffisante pour
défendre les frontières ou pour ajouter à la gloire de Rome de nouveaux
triomphes [2062] .
Malgré les invectives d’un orateur servile, on ne trouve aucun motif de croire
que Magnence ait déserté ses drapeaux dès le commencement de la bataille ; il
paraît au contraire qu’il s’acquitta de son devoir, comme capitaine et comme
soldat, jusqu’au moment où son camp fut au pouvoir des ennemis. Pensant alors à
sa sûreté personnelle, il se dépouilla des ornements impériaux, et ce ne fut
pas sans peine qu’il échappa aux détachements de cavalerie légère qui le poursuivirent
depuis les bords dé là Drave jusqu’au pied des Alpes Juliennes [2063] .
L’approche de l’hiver fournit à l’indolence de Constance des
prétextes spécieux de discontinuer la guerre jusqu’au printemps : Magnence
avait fixé sa résidence dans la ville d’Aquilée, et paraissait résolu de
disputer le passage des montagnes et des marais qui défendaient l’approche du
pays des Vénètes ; il n’aurait pas même quitté l’Italie lorsque les impériaux
se furent emparés, par une marche secrète, d’une forteresse située sur les
Alpes, si, les peuples eussent été disposés à soutenir la cause de leur tyran [2064] ; mais le
souvenir des cruautés que ses ministres avaient exercées après la malheureuse
révolte de Népotien avait laissé dans l’âme des Romains une profonde impression
d’horreur et de ressentiment. Ce jeune imprudent, fils de la princesse
Eutropia, et neveu de Constantin, avait vu avec indignation, un Barbare perfide
usurper le sceptre de l’occident : suivi d’une troupe d’esclaves et de
gladiateurs désespérés, il s’était aisément rendu maître de la faible garde qui
faisait la police à Rome pendant la paix. Il avait reçu l’hommage du sénat,
pris le titre d’Auguste, et l’avait porté pendant un règne précaire et
tumultueux de la durée de vingt-huit jours. La marche de quelques troupes
régulières mit fin à ses espérances ; la révolte fut éteinte dans le sang de
Népotien, de sa mère Eutropia et de tous ses partisans. On étendit même la
proscription sur tous ceux qui avaient contracté la moindre alliance avec la
famille de Constantin [2065] .
Mais dès que Constance, après la bataille de Mursa, devint le maître de la côte
maritime de la Dalmatie, une troupe d’illustres exilés, qui avaient équipé une
flotte dans un port de la mer Adriatique, vinrent dans le camp du vainqueur
chercher protection et vengeance. Ce fut par la secrète intelligence qu’ils
entretinrent avec leurs concitoyens, que Rome et les villes d’Italie se
laissèrent engager à déployer sur leurs murs l’étendard impérial de Constance.
Les vétérans, enrichis par les libéralités du père, signalèrent leur
reconnaissance et leur fidélité pour le fils. La cavalerie, les légions et les
auxiliaires d’Italie,
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