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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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la
victoire de Constance ; mais, comme ce prince faible n’avait de talents
personnels ni pour la paix ni pour la guerre, comme il craignait ses généraux
et se méfiait de ses ministres, le succès de ses armes ne servit qu’à établir
l’autorité des eunuques sur le monde romain. Ces êtres disgraciés, ancienne
production du despotisme [2076] et de la jalousie orientale, furent introduits en Grèce et à Rome par la
contagion du luxe asiatique [2077] .
Leur progrès fut rapide, et les eunuques, qui du temps d’Auguste avaient été
abhorrés comme le cortége monstrueux d’une reine d’Égypte [2078] ,
s’introduisirent insensiblement dans les maisons des matrones ; des sénateurs,
et même des empereurs [2079] .
Restreints par les sévères édits de Domitien et de Nerva [2080] , favorisés par
l’orgueil de Dioclétien, réduits à un état obscur par la prudence de Constantin [2081] , ils se
multiplièrent dans les palais de ses fils dégénérés, et acquirent peu à peu la
connaissance et enfin là direction des conseils les plus secrets de Constance.
Le mépris et l’aversion qu’on a toujours eus pour cette espèce dégradée,
semblent les avoir rendus aussi incapables qu’on les en supposait, de toute
action noble et de tout sentiment d’honneur et de générosité [2082] ; mais les
eunuques étaient instruits dans l’art de l’intrigue et de l’adulation ; et ils
gouvernaient alternativement Constance par ses terreurs, par son indolence et
par sa vanité [2083] .
Tandis qu’un miroir trompeur l’amusait d’une fausse apparence de prospérité
publique, sa nonchalance leur permettait d’intercepter les plaintes des
provinces opprimées, d’accumuler d’immenses trésors par la vente de la justice
et des honneurs, d’avilir les plus importantes dignités par l’élévation des
hommes obscurs qui achetaient d’eux les moyens d’oppression [2084] ; et de
satisfaire leur ressentiment contre quelques âmes fermes qui refusaient
audacieusement de faire leur cour à des esclaves. Le plus distingué d’entre eux
était le chambellan Eusèbe, qui dirigeait si despotiquement l’empereur et son
palais, qu’on pouvait dire, d’après l’expression satirique d’un écrivain
impartial, que Constance jouissait de quelque crédit auprès de cet impérieux
favori [2085] .
    Ce fut par ses intrigues artificieuses que ce prince
souscrivit la sentence de l’infortuné Gallus, et ajouta ce crime à la longue
liste des exécutions, barbares et dénaturées qui avaient déjà déshonoré la
maison de Constantin.
    Lorsque les deux neveux de Constantin, Gallus et Julien,
furent sauvés de la fureur des soldats ; le premier avait environ douze ans, et
Julien en avait à peu près six. Comme l’aîné passait pour être d’une santé
faible et valétudinaire, ils obtinrent moins difficilement de la feinte pitié
de Constance une existence obscure et précaire ; il sentait bien d’ailleurs que
le meurtre de deux orphelins sans défense serait regardé du monde entier comme
l’acte le plus odieux d’une cruauté réfléchie [2086] . Différentes
villes de la Bithynie furent successivement choisies pour le lieu de leur
résidence, ou plutôt de leur exil, pendant le temps de leur éducation. Mais,
dès que leur âge fut susceptible d’éveiller les soupçons de l’empereur, il
jugea plus prudent de s’assurer de ces jeunes infortunés, en les renfermant
dans la forteresse de Macellum, près de la ville de Césarée. La conduite que
l’on tint avec eux, pendant une captivité de six ans, fut, à quelques égards,
celle qu’aurait pu avoir un tuteur attentif, tandis que sur d’autres points ils
éprouvaient, toute la rigueur d’un tyran soupçonneux [2087] . Leur prison
était un ancien palais autrefois la résidence des rois de Cappadoce. La
situation en était riante, les bâtiments magnifiques et l’enceinte spacieuse.
Ils firent leurs études et, tous leurs exercices sous la conduite des maîtres
les plus célèbres ; et la nombreuse suite ou plutôt la garde qui composait la
maison des neveux de Constantin, n’était pas indigne de leur naissance ; mais ils
ne pouvaient se dissimuler que, dépouillés de leur fortune, privés de liberté
et sans aucune défense qui garantit leur sûreté, éloignés de tous ceux auxquels
ils auraient pu accorder leur estime ou leur confiance, ils étaient condamnés à
passer leur triste vie avec des esclaves dévoués aux ordres d’un tyran que

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