Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
les principes d’Arius, et même les disciples de la philosophie,
répondaient négativement sans hésiter, et faisaient une grande différence,
entré le Créateur et la plus parfaite de ses créatures. Ce raisonnement, facile
à comprendre, fut soutenu par Ætius [2372] ,
que le zèle de ses adversaires a surnommé l’ athée . Son génie actif et
entreprenant lui avait fait essayer de tous les métiers. Il avait été
successivement esclave ou du moins journalier, chaudronnier, ambulant, orfèvre,
médecin, maître d’école, théologien, et enfin l’apôtre d’une nouvelle Église
qui se multiplia par l’habileté de son disciple Eunomus [2373] . Armé des
textes de la sainte Écriture et des syllogismes captieux de la logique
d’Aristote, le subtil Ætius avait acquis la réputation d’un argumentateur
invincible, qu’il était impossible de convaincre ou d’embarrasser. Ce talent
lui valut l’amitié des évêques ariens ; mais ils furent obligés d’abandonner et
même de persécuter un allié dangereux, dont les arguments adroits et serrés
rendaient leur cause odieuse au peuple et offensaient les plus dévots de leurs
prosélytes. 2° La toute-puissance du Créateur suggéra l’idée spécieuse et
respectueuse de parité entre le père et le fils, et la foi devait adopter
humblement ce que la raison ne pouvait se dispenser d’admettre, qu’un Dieu
suprême avait sans doute la puissance de communiquer ses perfections infinies,
et de créer un être, semblable à lui [2374] .
Les ariens étaient puissamment soutenus par l’autorité et les talents de leurs
chefs, qui avaient remplacé Eusèbe, et qui occupaient les principaux siéges de
l’Orient ; ils détestaient hautement, et peut-être avec quelque affectation,
l’impiété d’Ætius ; ils faisaient profession de croire, ou sans réserve, ou
conformément aux saintes Écritures, que le fils était très différent de toutes
les autres créatures et qu’il était semblable au père seulement ; mais ils
niaient qu’il fût ou de la même ou d’une semblable substance. Ils déclaraient
quelquefois hardiment leur séparation sur ce point, et dans d’autres occasions,
ils bataillaient sur le mot substance, qui semble renfermer une notion complète
ou du moins distincte de la nature de la Divinité. 3° La secte qui soutenait la
doctrine d’une substance semblable était la plus nombreuse, au moins dans les
provinces de l’Asie ; et s’il est vrai que les chefs des deux partis se soient
trouvés assemblés au concile de Séleucie [2375] ,
leur opinion aurait prévalu par une majorité de cent cinq évêques contre
quarante-trois. Le mot grec que l’on choisit pour exprimer cette mystérieuse
ressemblance a une si grande affinité avec le symbole orthodoxe, que les
profanes de tous les siècles ont tourné en ridicule les querelles violentes
dont une seule diphtongue avait été la source entre les homoousiens et
les homoiousiens . Comme il arrive souvent que les sons et les caractères
qui ont ensemble le plus de rapport, servent à représenter les idées les plus
opposées, l’observation paraîtrait ridicule si l’on pouvait découvrir quelque
différence réelle et sensible entre la doctrine de ceux qu’on appelait
improprement semi ariens, et la doctrine des catholiques. L’évêque de Poitiers,
qui, dans la Phrygie où il était exilé, travaillait sagement à concilier les
deux partis, cherche à prouver que, par une interprétation pieuse et fidèle [2376] , on peut
réduire l’ homoiousion au sens de consubstantiel . Il avoue
cependant que ce mot a quelque chose d’obscur et de suspect ; et, comme si
l’obscurité était l’essence des querelles théologiques, les semi ariens, qui,
touchaient aux portes de l’Église, furent ceux qui les assaillirent avec la
plus implacable fureur.
Les provinces de l’Égypte et de l’Asie, qui avaient adopté
la langue et les mœurs des Grecs, étaient infectées du poison de la controverse
sur l’arianisme. L’étude familière du système de Platon, un penchant naturel
pour la discussion, un idiome harmonieux et abondant, étaient pour le peuple et
le clergé de l’Orient une source inépuisable de mots, de distinctions ; et, dans
la chaleur de la dispute, ils oubliaient également le doute recommandé par la
philosophie et la soumission exigée par la religion. Les peuples de l’Occident
étaient d’un caractère moins curieux. Des objets invisibles avaient moins de
prise
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