Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
provinces les plus éloignées de sa cour ; et le premier des
empereurs chrétiens, dans ses derniers moments, reçut le sacrement du baptême
des mains de l’évêque arien de Nicomédie. On ne peut justifier le gouvernement
ecclésiastique de Constantin, du reproché de faiblesse et de légèreté ; mais le
monarque crédule et peu au fait des stratagèmes de l’esprit de parti, peut
s’être laissé séduire par les protestations modestes et trompeuses des
hérétiques, dont il ne comprit jamais parfaitement les opinions. Tandis qu’il
protégeait Arius et qu’il persécutait saint Athanase, il n’en regardait pas
moins le concile de Nicée comme, le rempart de la foi chrétienne et la gloire
particulière de son règne [2389] .
Les fils de Constantin ont sans doute été admis dès leur
enfance au nombre des catéchumènes ; mais ils différèrent leur baptême, à
l’exemple de leur père, et prétendirent prononcer, comme lui, leur jugement sur
les mystères dans lesquels ils n’avaient jamais été régulièrement initiés [2390] . Le sentiment
de Constance, qui hérita des provinces de l’Orient, et qui réunit enfin tout l’empire
sous un seul maître, décida, en quelque façon, du sort des trinitaires. Le
prêtre ou évêque arien qui avait dérobé pour lui le testament de Constantin,
profita de l’heureuse occasion qui l’avait introduit dans la familiarité d’un
prince dont les domestiques favoris dirigeaient les conseils. Les eunuques et
les esclaves répandaient le poison spirituel dans le palais ; les femmes de
l’impératrice le communiquaient aux gardes, et l’empereur le recevait de
l’impératrice, elle-même [2391] .
Le penchant que Constance avait toujours témoigné pour la faction d’Eusèbe, fut
cultivé avec succès par l’habileté des chefs de ce parti ; et la victoire que
l’empereur remporta sur Magnence lui donna une nouvelle disposition et de
nouvelles facilités pour faire servir son pouvoir à protéger l’arianisme.
Tandis que les deux armées combattaient dans la plaine de Mursa et que le sort
des rivaux dépendait de la victoire, le fils de Constantin, prosterné au pied
des autels dans l’église des Martyrs, était en proie aux plus vives inquiétudes.
Son consolateur spirituel, Valens, évêque arien du diocèse, prenait des
précautions pour s’assurer sa faveur, en lui annonçant le premier son triomphe,
ou en lui ménageant les moyens de fuir s’il était vaincu. Une chaîne secrète de
messagers agiles et sûrs lui rendait compte à chaque instant des vicissitudes
du combat ; et, tandis que l’empereur tremblait au milieu de ses pâles et
mornes courtisans, l’évêque lui annonça que les légions de la Gaule étaient
vaincues ; et laissa entendre, avec quelque présence d’esprit, qu’un ange lui
avait révélé ce glorieux événement. Le monarque reconnaissant attribua le
succès de la journée aux mérites et à l’intercession de l’évêque de Mursa, dont
la foi avait mérité que le ciel se déclarât pour lui par cette marque signalée
et miraculeuse de son approbation [2392] .
Les ariens, qui regardaient la victoire de Constance comme la leur propre,
mirent sa gloire au-dessus de celle de son père [2393] . Cyrille,
évêque de Jérusalem, donna, immédiatement après la bataille, la description
d’une croix céleste, environnée d’un brillant arc-en-ciel. Il prétendit qu’au
jour de la Pentecôte, environ à la troisième heure, cette croix avait paru,
au-dessus de la montagne des Olives, la grande édification des pèlerins et du
peuple de la sainte cité [2394] .
On augmenta peu à peu l’étendue de ce météore. L’historien arien n’a pas craint
d’affirmer que les deux armées l’avaient aperçue des plaines de la Pannonie, et
que l’usurpateur de la Gaule, qu’il traite à dessein d’idolâtre, avait pris la
fuite devant ce signe protecteur de l’orthodoxie chrétienne [2395] .
Le sentiment d’un judicieux étranger qui a considéré
impartialement les progrès de la discorde civile et religieuse, mérite ici
notre attention. Quelques lignes d’Ammien, qui servait dans les armées de Constance,
et qui avait étudié le caractère de l’empereur, nous instruiront plus que des
pages. d’invectives scolastiques. Constance , dit cet historien modéré, a
défiguré, par les rêveries de la superstition, la religion chrétienne, qui, en
elle-même, est claire et simple. Au lieu d’employer son autorité à
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