Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
résister à l’autorité de son évêque irrité, et fut banni
de la communion de l’Église ; mais son orgueil se soutint par la faveur d’un
parti nombreux. Il comptait au nombre de ses partisans déclarés deux évêques de
l’Égypte, sept prêtres, douze diacres, et, ce qui paraîtra peut-être
incroyable, sept cents vierges. La majeure partie des évêques d’Asie paraissait
favoriser ses opinions. Ils avaient à leur tête Eusèbe de Césarée, le plus
savant des prélats chrétiens, et Eusèbe de Nicomédie, qui avait acquis une
grande réputation comme homme d’État, sans avoir rien perdu de celle d’un
saint. Les synodes de la Palestine et de la Bithynie furent opposés aux synodes
de l’Égypte. Cette dispute théologique attira l’attention du prince et celle du
peuple, et fut soumise, au bout de six ans [2351] ,
à l’autorité suprême du concile général de Nicée.
Lorsqu’on eut imprudemment exposé les mystères de la foi
chrétienne aux discussions du public, on pût reconnaître que l’intelligence
humaine, était capable de se former trois systèmes différents, sur la nature de
la divine Trinité ; on prononça qu’aucun des trois n’était absolument
exempt, d’erreur et d’hérésie [2352] .
1° Selon la première hypothèse, soutenue par Arius et par ses disciples, le logos était une production dépendante et spontanée, créée de rien par la volonté du
père éternel, le fils, par lequel toutes choses ont été faites [2353] , avait été
engendré avant tous les mondes, et les plus longues périodes astronomiques
n’étaient qu’une seconde si on les comparait à la durée de son existence ;
cette durée n’était cependant pas infinie [2354] ,
et des temps avaient précédé l’ineffable génération du logos . Le père
tout-puissant avait transmis à ce fils unique sa vaste intelligence, son
esprit, et l’avait empreint de tout l’éclat de sa gloire. Image visible de la
perfection invisible, il voyait au-dessous de lui, à une distance
incommensurable, les trônes des archanges. Il ne brillait cependant que d’une
lumière réfléchie et, comme les fils des empereurs romains décorés du titre de
César ou d’Auguste [2355] ,
il gouvernait le monde en obéissant aux volontés de son père et son maître. 2°
Dans la seconde hypothèse le logos possédait toutes les imperfections
inhérentes et incommunicables que la religion et la philosophie attribuent au
Dieu suprême. Trois esprits ou substances distinctes et infinies, trois êtres
égaux et éternels composaient l’essence divine [2356] et il y aurait
eu contradiction ; si un des trois avait pu un instant ne pas exister ou bien
avait dû cesser d’être [2357] .
Les partisans d’un système qui semblait établir trois divinités indépendantes,
s’efforçaient de conserver l’unité d’une première cause si visible dans le
dessein et dans l’ordre de l’univers, par l’accord perpétuel de leur
administration et la conformité nécessaire de leurs volontés. On peut
apercevoir une faible image de cette unité d’action dans la société des hommes
et même des animaux. Les causes qui troublent leur harmonie viennent de
l’inégalité ou de l’imperfection de leurs facultés. Mais la toute puissance,
guidée par une sagesse et une bonté infinis, ne peut manquer de choisir les
mêmes pour accomplir les mêmes fins. 3° Trois êtres, tirant d’eux-mêmes la
nécessité de leur existence et possédant nécessairement tous les attributs
divins dans le degré le plus parfait ; éternels en durée, infinis en espace, intimement
présents l’un pour l’autre et pour tout l’univers, impriment dans l’imagination
étonnée l’idée d’un seul et même être [2358] ,
qui, dans l’ordre de la grâce et celui de la nature, peut se manifester sous
différentes formes et être considéré sous différents aspects. Par cette
hypothèse, une trinité réelle et substantielle est réduite à une trinité de
noms et de modifications abstraites, qui n’existent que dans l’esprit de celui
qui les conçoit. Le logos n’est plus une personne, mais un attribut, et
ce n’est que dans un sens figuré que l’épithète de fils peut être appliquée à
la sagesse éternelle qui était avec Dieu depuis le commencement, et par
laquelle, mais non pas par qui, toutes choses ont été faites. L’incarnation du logos n’est plus qu’une simple inspiration de la sagesse divine, qui inspirait l’âme
et
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