Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
et
généreux prélat. L’attachement invariable de son clergé lui servit de soutien
ou du moins de consolation dans ses malheurs ; et les cent évêques de l’Égypte
défendirent toujours sa cause avec intrépidité. Ainsi qu’auraient pu le lui
prescrire l’orgueil et la politique, Athanase visitait son diocèse, depuis les
bouches du Nil jusqu’aux confins de l’Éthiopie : il conversait
familièrement avec les derniers du peuple, et saluait avec humilité les ermites
et les saints du désert [2405] .
Ce n’était pas seulement dans les assemblées ecclésiastiques, parmi ceux dont
le rapprochaient une éducation et des habitudes semblables, qu’Athanase faisait
sentir l’ascendant de son génie : il se présentait dans la cour des princes
avec une aisance ferme et respectueuse ; et, dans les vicissitudes de sa bonne
et de sa mauvaise fortune, il ne perdit jamais ni la confiance de ses amis ni
l’estime de ses adversaires.
Dans sa jeunesse, le primat d’Égypte résista à Constantin le
Grand, qui lui avait ordonné plusieurs fois d’admettre Arius à la communion
catholique [2406] .
L’empereur respecta d’inflexible opposition d’Athanase, et semblait disposé à
la lui pardonner : la faction qui le regardait comme son plus formidable
ennemi, fut forcée de dissimuler sa haine, et de préparer de loin une attaque
indirecte. On répandit des soupçons et des bruits calomnieux ; on représenta
l’archevêque comme un tyran orgueilleux ; on l’accusa hautement d’avoir violé
le traité conclu dans le concile de Nicée avec les disciples schismatiques de
Mélèce [2407] .
Saint Athanase avait ouvertement désapprouvé cette paix ignominieuse ; et
l’empereur se laissa persuader que le primât abusait de son autorité civile et
ecclésiastique, pour persécuter des sectaires qui lui étaient odieux ;
qu’il avait brisé d’une main sacrilège un calice dans une de leurs églises de
Maræotis ; qu’il avait fait fouetter ou mettre en prison six de leurs évêques,
et qu’il avait poussé la cruauté jusqu’à assassiner ou mutiler de sa propre
main Arsène, autre prélat du même parti [2408] .
Ces accusations attaquaient l’honneur et la vie d’Athanase ; Constantin
les remit à son frère Dalmatius le Censeur, qui résidait à Antioche. On
assembla successivement des synodes à Tyr et à Césarée, et les évêques de l’Orient
eurent ordre de juger le primat avant de procéder à la consécration de la
nouvelle église de la Résurrection à Jérusalem. Athanase pouvait être sûr de sa
propre innocence ; mais, persuadé que la haine qui avait dicté l’accusation,
dicterait aussi les procédures et la sentence, il récusa prudemment le tribunal
de ses ennemis, méprisa les ajournements du synode de Césarée, et après de
longs délais, habilement concertés, ne se soumit enfin qu’à l’ordre absolu de
l’empereur, qui menaçait de punir sa désobéissance s’il refusait de comparaître
devant le concile de Tyr [2409] (an 325), Athanase, avant de quitter Alexandrie, à la tête de cinquante prélats
d’Égypte, s’était sagement assuré le secours des mélétiens ; et Arsène
lui-même, la prétendue victime et l’ami secret du primat, était caché dans son
cortège. Eusèbe de Césarée déploya dans le concile de Tyr, qu’il dirigeait,
moins de prudence et plus de passion qu’on n’aurait dû en attendre de ses
lumières et de son expérience. Sa nombreuse faction faisait retentir la salle
des noms d’homicide et de tyran, et les clameurs étaient encouragées par la
patience apparente d’Athanase, qui attendait en silence le moment de répondre
d’une manière décisive en faisant paraître au milieu de l’assemblée Arsène
plein de vie et sans blessure. Il ne pouvait pas répondre d’une manière si
évidente et si victorieuse aux autres accusations : cependant l’archevêque
était en état de prouver que dans le village où on l’accusait d’avoir brisé un
calice, il n’avait jamais existé ni église, ni autels, ni calice. Les ariens,
résolus de trouver leur ennemi coupable, et de le condamner, essayèrent
cependant de déguiser leur injustice sous une apparence de formalités
judiciaires. Le synode chargea six évêques de faire des informations sur les lieux
; et cette mesuré, à laquelle s’opposèrent rigoureusement les évêques d’Égypte,
ouvrit le champ à de nouvelles scènes de violences et de parjures [2410] . Lorsque les
députes
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