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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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l’empire.
Cette réponse aurait pu paraître juste et modérée dans la bouche d’un prince
indépendant. L’entrée de l’archevêque dans sa capitale fut une procession
triomphale. Son absence et ses malheurs l’avaient rendu cher aux habitants
d’Alexandrie. L’autorité qu’il exerçait avec rigueur se trouva plus solidement
établie, et sa gloire se répandit dans tout le monde chrétien, depuis l’Éthiopie
jusque dans la Bretagne [2424] .
    Mais le sujet qui force son souverain à dissimuler ne doit
pas compter sur une réconciliation sincère et durable. La mort tragique de
Constans priva bientôt Athanase d’un protecteur puissant et généreux. La guerre
civile entre l’assassin et le dernier frère de Constans déchira pendant trois
ans l’empire, et donna quelques instants de repos à l’Église catholique. Les
deux rivaux ménagèrent l’amitié d’un prélat qui, par son autorité personnelle,
pouvait fixer la résolution incertaine d’une province importante. Il donna
audience aux ambassadeurs de Magnence, avec lequel on l’accusa depuis d’avoir
conservé une correspondance secrète [2425] ,
et Constance assura le vénérable Athanase, son père chéri, que, malgré les faux
bruits débités par leurs ennemis communs, il avait hérité des sentiments aussi
bien que des États de son frère [2426] .
La reconnaissance et l’humanité auraient pu sans doute disposer l’archevêque à
déplorer la fin prématurée de Constans, et à détester le crime de Magnence ;
mais comme Athanase était convaincu que les craintes de Constance étaient son
unique sauvegarde, cette idée refroidissait peut-être un peu la ferveur des
prières qu’il adressait au ciel pour le succès de la cause la plus juste. En
effet, Athanase dut bientôt attendre sa ruine, non plus des complots et de la
haine obscure de quelques évêques superstitieux ou irrités, abusant de
l’autorité d’un maître crédule, mais des efforts de l’empereur, qui, laissant
éclater un ressentiment longtemps contenu, déclara la résolution de venger ses
injures personnelles [2427] ; et le premier hiver qu’il passa à Arles, après sa victoire, fut employé à
assurer son triomphe sur un ennemi plus odieux que le tyran qu’il venait de
vaincre.
    Si le caprice du souverain eût exigé la mort du citoyen le
plus illustre et le plus vertueux de la république, la violence ouverte de ses
satellites et la perfide complaisance des magistrats se seraient empressées à
l’envi de le satisfaire. Les précautions, les lenteurs avec lesquelles il fut
obligé de procéder à la condamnation et au châtiment d’un évêque aimé du
peuple, les difficultés qu’il y trouva, apprirent à l’univers que les
privilèges de l’Église avaient déjà ranimé dans le gouvernement romain, le
sentiment de l’ordre et de la liberté. La sentence prononcée par le synode de
Tyr, et souscrite par la majorité des évêques d’Orient, n’avait pas été
formellement annulée, et l’autorité qu’Athanase exerçait dans son diocèse,
quoique dégradé par ses confrères, pouvait être regardée comme illégale et même
criminelle. Mais Constance voulut d’abord ôter au primat la ressource puissante
qu’il avait trouvée dans l’attachement du clergé d’Occident, et s’assurer le
consentement des évêques latins, avant de hasarder l’exécution de la sentence.
Deux années se passèrent en négociations ecclésiastiques ; la cause de
l’empereur contre un de ses sujets fut solennellement débattue dans le synode
d’Arles et, peu de temps après, dans le concile de Milan [2428] , en présence de
trois cents évêques. Leur probité se laissa séduire peu à peu par les arguments
de la faction arienne, par les artifices des eunuques et par les pressantes
sollicitations d’un souverain qui sacrifiait sa dignité à sa vengeance, et
manifestait ses propres passions en dirigeant celles du clergé. Il employa avec
succès la corruption, le plus sûr indice d’une liberté constitutionnelle, des
présents, des honneurs et des privilèges, furent le prix offert et accepté des
suffrages des évêques [2429] ,
et il représenta adroitement l’expulsion du primat, comme le seul moyen de pacifier
et de réunir l’Église catholique. Les amis d’Athanase ne manquèrent cependant
ni à leur chef, ni à la cause qu’ils avaient embrassée. Avec une véhémence que
la sainteté de leur caractère rendait moins dangereuse, ils

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