Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
réconcilier
les deux partis, il a encouragé et propagé, par des disputes de mots, les
différends qu’avait excités sa vaine curiosité. Les grands chemins étaient
constamment couverts d’une troupe d’évêques qui galopaient d’une province à une
autre, pour se rendre à des assemblées qu’on appelle synodes, et ces
orgueilleux prélats épuisaient l’établissement des postes par les courses
rapides et multipliées qu’ils faisaient pour réduire toute la secte à leur opinion
particulière [2396] .
La connaissance détachée que nous avons des événements de l’histoire
ecclésiastique sous le règne de Constance, fournirait un ample commentaire à ce
passage remarquable, qui justifie les inquiétudes trop fondées de saint
Athanase. Il craignait, disait-ils, que l’activité turbulente d’un clergé
parcourant tout l’empire en quête de la véritable foi, n’excitât le rire et le
mépris des infidèles [2397] .
Dés que l’empereur se vit délivré des terreurs de la guerre civile, il consacra
son loisir, dans ses quartiers d’hiver à Arles, à Milan, à Sirmium et
Constantinople, aux passe-temps ou aux travaux de la controverse. Le glaive du
magistrat et même du tyran appuya les arguments du théologien ; et comme
Constance a condamné les décrets orthodoxes du concile de Nicée, il est
généralement reconnu que son ignorance et son incapacité égalaient sa
présomption [2398] .
Les eunuques, les femmes et les évêques qui gouvernaient cet esprit faible et
vain, lui avaient inspiré une aversion invincible pour l’ homoousion , mais
sa conscience timide s’effrayait de l’impiété d’Ætius. La dangereuse faveur du
malheureux Gallus avait aggravé le crime de cet athée, qu’on accusait même
d’avoir contribué, par des suggestions et des sophismes, à faire massacrer à
Antioche les ministres impériaux. L’esprit de Constance, incapable de se
laisser fixer par la foi ou modérer par la prudence, égaré dans un abîme
obscur, se précipitait aveuglément dans l’extrémité opposée à celle qui
l’épouvantait. Il embrassait et condamnait successivement les mêmes opinons ;
tantôt il exilait, et tantôt il rappelait les chefs des factions arienne et
semi arienne [2399] .
Durant la saison des affaires et des fêtes publiques il passait les jours et
même les nuits à choisir des mots et à peser des syllabes pour en composer les
articles incertains de sa foi, qu’il méditait jusque dans son sommeil ; et l’on
recevait ses songes incohérents comme des visions célestes. Constance acceptait
avec complaisance le titre pompeux d’évêque des évêques, que lui conféraient
des ecclésiastiques qui oubliaient les intérêts de leur ordre pour ceux de
leurs passions. Le projet d’établir une uniformité de doctrine, pour laquelle
il assembla tant de conciles dans les Gaules, dans l’Italie, dans l’Asie et
dans l’Illyrie, fut sans cessé déconcerté par sa propre inconstance, par les
dissensions des ariens, et par la résistance des catholiques. Il résolut enfin,
par un dernier effort qu’il pensait devoir être décisif, d’assembler un concile
général dont il dicterait impérieusement les décrets. Le terrible tremblement
de terre de Nicomédie, la difficulté de trouver un lieu convenable ; et
peut-être des motifs secrets de politique, firent changer les arrangements. Les
évêques de l’Orient récurent ordre de s’assembler à Séleucie en Isaurie, et ceux
de l’Occident tinrent leurs séances à Rimini, sur la côte de la mer Adriatique.
Au lieu de ne demander à chaque province que deux ou trois députés, l’empereur
convoqua le corps entier des évêques. Après quatre jours de débats violents, le
concile d’Orient se sépara sans rien décider. Celui d’Occident continua pendant
sept mois. Taurus préfet prétorien, avait ordre de ne laisser partir les
prélats que quand ils auraient unanimement adopté la même opinion ; il était
autorisé à exiler quinze des plus indociles, et avait la promesse du consulat
en cas qu’il fit réussir cette difficile entreprise. Ses sollicitations et ses
menaces, l’autorité du souverain, les sophismes de Valens et d’Ursace, le
malaise, le froid, la faim, l’ennui profond d’un exil sans terme, arrachèrent
enfin à la répugnance des évêques de Rimini le consentement qui leur était
demandé (an 360). Les députés de l’Orient et de l’Occident se rendirent à
Constantinople dans le palais
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