Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
évêques d’Italie. Au bout de
trois ans, le primat fugitif revint à Milan, à la sollicitation de Constans,
qui conservait au milieu de ses dérèglements un zèle sincère pour la foi
orthodoxe. L’or vint à l’appui de l’équité [2419] ,
et les ministres de Constans, conseillèrent à leur souverain de convoquer une
assemblée ecclésiastique qui pût agir comme représentant l’Église catholique (an
346). Quatre-vingt-quatorze évêques de l’Occident et soixante-seize de l’Orient
se trouvèrent ensemble à Sardica, sur les confins des deux empires, mais dans
les États du protecteur d’Athanase. Leurs débats firent bientôt place à des
mesures hostiles. Les évêques d’Orient, se croyant en danger, cherchèrent
précipitamment leur sûreté à Philippopolis dans la Thrace, et les deux conciles
foudroyèrent réciproquement leurs ennemis qu’ils appelaient pieusement les
ennemis du vrai Dieu. Leurs décrets furent publiés et ratifiés dans leurs
provinces respectives. Athanase était en même temps révéré comme un saint dans
l’Occident, et abhorré comme un scélérat dans l’Orient [2420] . Le concile de
Sardica découvrit les premiers symptômes de schisme et de discorde entre les
Églises grecque et latine, séparées d’abord par une dissidence. accidentelle
dans leurs opinions religieuses, et ensuite par la différence permanente de
leur langage.
Durant son second exil en Occident, Athanase fut souvent
admis en présence de l’empereur dans les différentes villes de Capoue, Lodi,
Milan, Vérone, Padoue, Aquilée et Trèves. L’évêque du diocèse l’accompagnait
ordinairement dans ces entrevues, et le grand-maître des offices restait
toujours devant le voile ou rideau qui masquait l’appartement du souverain. Le
primat en appelle à ces témoins respectables de sa constante modération dans
ces entretiens [2421] .
La prudence devait suffire pour lui faire conserver le respect et ce ton de
douceur qui convient à un sujet et à un évêque. Dans ces conversations
familières avec le monarque de l’Occident, Athanase se bornait sans doute à
déplorer l’aveuglement de Constance ; mais, ne ménageant ni les eunuques ni les
prélats ariens, qu’il chargeait hardiment de la division de l’Église et du
danger auquel la foi catholique se trouvait exposée, il excitait Constans à
imiter le zèle et à mériter la gloire de son père. L’empereur déclara qu’il était
résolu d’employer les forces militaires et les trésors de l’Europe à soutenir
la foi orthodoxe, et fit savoir à son frère Constance, dans une lettre courte
et impérative, que s’il ne consentait pas à remettre immédiatement Athanase en
possession de sa place et de ses droits, il irait lui-même, suivi d’une flotte
et d’une armée, l’installer sur son siége archiépiscopal d’Alexandrie [2422] . Mais la
condescendance de Constance prévint cette guerre religieuse qui eût fait
horreur à la nature, et l’empereur d’Orient daigna faire des avancés de
réconciliation à un de ses sujets qu’il avait injustement persécuté. Athanase,
usant d’une noble fierté, ne se rendit qu’après trois lettres consécutives de
son souverain. Elles étaient remplies de protestations d’estime, d’assurances
de protection et de bienveillance, et l’invitaient à se rendre dans son
archevêché. Constance ajoutait l’humiliante précaution de faire attester par
ses ministres la sincérité de ses intentions ; il la manifesta d’une manière
plus éclatante par les ordres positifs qui furent envoyés en Égypte pour
rappeler tous les amis et les adhérents d’Athanase, leur rendre leurs
privilèges, publier leur innocence, et faire disparaître des registres publics
les arrêts illégaux arrachés par le crédit de la faction d’Eusèbe. Après avoir
obtenu toutes les sûretés et toutes les satisfactions que pouvaient demander la
justice et l’honneur, l’archevêque traversa lentement les provinces de la
Thrace, de l’Asie et de la Syrie, et reçut dans sa route, de la bassesse des évêques
orientaux, des hommages qui excitaient son mépris sans tromper sa pénétration [2423] . Il vit à
Antioche l’empereur Constance, reçut avec une assurance modeste les
embrassements et les protestations de son maître, et éluda la proposition
d’accorder une église particulière aux ariens d’Alexandrie, en demandant une
égale tolérance pour ceux de son parti dans les autres villes de
Weitere Kostenlose Bücher