Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
patriarche juif, qui exerçait toujours une
juridiction précaire, résidait à Tibérias [2621] ; et les autres villes de la Palestine étaient habitées par les restes d’un
peuple tendrement attaché à la terre promise. Mais on renouvela l’édit
d’Adrien, on lui donna une nouvelle force ; ils virent de loin les murs de la
sainte cite ; profanes à leurs yeux par le triomphe de la croix et la dévotion
des chrétiens [2622] .
Jérusalem, placée au milieu d’un pays stérile et plein de
rochers [2623] ,
renferme dans ses murs les deux montagnes de Sion et d’Acra, et forme un ovale
d’environ trois milles d’Angleterre [2624] .
La partie supérieure de la ville et la forteresse de David se trouvaient au
sud, sur la pente escarpée de la montagne de Sion ; au côté septentrional, les
bâtiments de la ville basse se montraient sur le sommet spacieux, du mont Acra
; le temple majestueux de la nation juive couvrait une partie de la colline
qu’on nommait Moriah, et que l’industrie de l’homme avait aplanie. Après la
destruction totale du temple par les armes de Titus et d’Adrien, la charrue
passa en signe d’interdiction sur le terrain sacré. La montagne de Sion fut
abandonnée, et l’emplacement de la ville basse fut rempli par les édifices
publics et privés de la colonie Ælienne, qui se répandit sur la colline
adjacente du. Calvaire. Des monuments d’idolâtrie souillèrent ces lieux révérés
: et, soit à dessein, soit par hasard, on dédia une chapelle à Vénus, à
l’endroit même qu’avaient sanctifié la mort et la résurrection de Jésus-Christ [2625] . Environ trois
siècles après ces étranges événements, la profane chapelle de Vénus fut démolie
par ordre de Constantin, et le déblaiement de la terre et des pierres amassées
en ce lieu découvrit au monde le saint-sépulcre. Le premier empereur chrétien
éleva sur ce terrain mystique une magnifique église, et sa pieuse libéralité
s’étendit sur tous les lieux qu’avait consacrés la présence des patriarches,
des prophètes et du fils de Dieu [2626] .
Le désir passionné de : contempler les monuments de notre
rédemption, amenait à Jérusalem une foule successive de pèlerins qui venaient
des bords de l’océan Atlantique et des pays de l’Orient les plus éloignés [2627] ; leur piété
s’autorisait de l’exemple de l’impératrice Hélène, qui parait avoir réuni la
crédulité d’un âge avancé à la ferveur d’une nouvelle convertie. Les sages et
les héros qui ont visité le théâtre de la sagesse et de la gloire des anciens,
ont senti que le génie de ces lieux les inspirait [2628] ; et le
chrétien qui s’agenouillait devant le Saint-Sépulcre attribuait la vivacité de
sa foi et la ferveur de sa dévotion à l’influence plus immédiate de l’esprit de
Dieu. Le zèle, peut-être la cupidité du clergé de Jérusalem, excitait et
multipliait ces utiles voyages. D’après une tradition qu’on dit incontestable,
les prêtres indiquaient l’endroit où s’était passé chaque événement digne de
souvenir. Ils montraient les instruments de la passion de Jésus-Christ ; les
clous et la lance qui avaient percé ses mains, ses pieds et son côté ; la
couronne d’épines qu’on avait placée sur sa tête ; la colonne où il fut battu
de verges, et particulièrement cette croix où il expira, qu’on avait tirée du
milieu des décombres sous le règne de l’un des princes qui placèrent le symbole
du christianisme sur la bannière des légions romaines [2629] . Les miracles
qui semblaient nécessaires pour expliquer comment elle s’était si
extraordinairement conservée et comment on l’avait découverte si à propos, se
propagèrent par degrés et sans opposition. L’évêque de Jérusalem avait la garde
de la vraie croix ; il la montrait solennellement le jour de Pâques, et
la dévotion curieuse des pèlerins, que lui seul avait le droit de satisfaire,
obtenait de lui de petits morceaux de ce bois qu’ils garnissaient d’or et de
pierreries, et qu’ils portaient en triomphe dans leur patrie. Mais comme cette
branche de commerce si lucrative se serait bientôt épuisée, on crut devoir
supposer que le bois merveilleux avait une force de végétation secrète, et que
sa substance, diminuée chaque jour, demeurait toujours entière [2630] . On serait
peut-être tenté de croire que l’influence des ligua et la conviction d’un
miracle perpétuel durent avoir de salutaires effets sur
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