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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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L’archevêque se retira sagement dans les monastères du
désert : il évita les piéges de l’ennemi avec son habileté ordinaire, et il
vécut pour triompher sur les cendres d’un prince qui, dans des expressions dont
il était aisé de pénétrer le terrible sens, avait déclaré qu’il voudrait que tout
le venin de l’école galiléenne fût concentré dans la seule personne de saint
Athanase [2696] .
    J’ai tâché de développer fidèlement le système artificieux
par lequel Julien voulait arriver aux effets de la persécution, sans en être ou
du moins en paraître coupable. Mais si le poison mortel du fanatisme corrompait
le cœur et l’intelligence d’un prince vertueux, il faut avouer aussi que ses
passions humaines et l’enthousiasme religieux exagérèrent et aigrirent les maux
réels des chrétiens. La douceur et la résignation qui avaient distingué les
premiers disciples de l’Évangile étaient plus louées qu’imitées par leurs
successeurs. L’exercice du gouvernement civil et ecclésiastique, depuis plus de
quarante années, leur avait donné les vices insolents de la prospérité [2697] , et l’habitude
de croire que les saints méritaient seuls de régner sur la terre. Lorsque le
clergé fut dépouillé par l’inimitié de Julien des privilèges dont l’avait
revêtu la, faveur de Constantin, il s’en plaignit comme dé la tyrannie la plus
cruelle ; et la tolérance accordée aux idolâtres et aux hérétiques, devint un
sujet de douleur et de scandale pour les orthodoxes [2698] . Le zèle du
peuple continuait à se manifester par des actes de violence qui n’étaient plus
autorisés par les magistrats. L’autel de Cybèle, à Pessinunte, fut renversé
presque sous les yeux de l’empereur, et une émeute populaire détruisit à
Césarée, en Cappadoce, le temple de la Fortune, le seul qu’on y eût laissé aux
païens. Dans ces occasions, un monarque zélé pour l’honneur des dieux n’était
pas tenté de s’opposer au cours de la justice ; et ce fut pour lui un nouveau
sujet de colère que de voir récompenser par les honneurs du martyre, des
fanatiques qu’on avait punis comme incendiaires [2699] . Ceux des
sujets de l’empire qui professaient le christianisme ne doutaient pas de la
haine de leur souverain, et tous les actes de son gouvernement fournissaient à
leur inquiétude des sujets de mécontentement ou de soupçon. Dans
l’administration ordinaire des lois, on devait souvent condamner des chrétiens,
puisqu’ils formaient une grande partie du peuple : leurs frères, portés à
l’indulgence, sans examiner le fait, présumaient leur innocence, se trouvaient
convaincus de la justice de leurs plaintes, et attribuaient la sévérité du juge
à l’esprit de persécution [2700] .
Ils représentaient ces malheurs, assez grands par eux-mêmes, comme le faible
prélude des autres calamités qui les menaçaient. Julien leur paraissait un
tyran cruel et plein d’astuce, qui suspendait sa vengeance jusqu’à son retour
de la guerre de Perse ; ils comptaient qu’après avoir triomphé de ses ennemis
au dehors, il déposerait le masque, pénible de la dissimulation ; que le sang ;
des ermites et des évêques inonderait les amphithéâtres, et que les chrétiens
inébranlables dans leur foi se verraient dépouillés des droits de la nature
humaine et de la société [2701] .
La crainte et la haine de ses adversaires adoptaient avec crédulité toutes les
calomnies [2702] qui pouvaient nuire à la réputation de l’apostat ; et leurs clameurs
indiscrètes aigrissaient un souverain qu’ils devaient respecter, et qu’il était
de leur intérêt de flatter. Ils déclaraient toujours que les prières et les
larmes étaient la seule défense qu’ils voulussent employer contre le tyran
impie dont ils dévouaient la tête à la justice du ciel offensé ; mais ils
insinuaient, avec le ton d’une sombre résolution, qu’il ne fallait plus
attribuer leur soumission à la faiblesse, et que, d’après l’imperfection des
vertus humaines, la patience fondée sur les meilleurs principes peut-être
épuisée parla persécution. Il est impossible de dire jusqu’à quel point le
fanatisme de Julien l’aurait emporté sur son humanité et sur sa raison ; mais
si on pense au pouvoir et à la fermeté de l’Église, on sera convaincu que
l’empereur aurait plongé son pays dans les horreurs d’une guerre civile avant
d’éteindre la religion de Jésus-Christ [2703]

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