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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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ses
provinces suffisait encore à lui fournir abondamment toutes les jouissances du
luxe et de la domination [2815] .
Sans adopter en entier cette supposition dictée par l’humeur, il faut avouer
que l’ambition particulière de Jovien donna de grandes facilités au roi de
Perse pour la conclusion d’un traité si ignominieux à l’empire. Un obscur
domestique, élevé au trône par la fortune plutôt que par son mérite, désirait
vivement de sortir des mains du roi de Perse, afin de prévenir les desseins de
Procope, général de l’armée de Mésopotamie, et de soumettre à son autorité,
jusque-là peu certaine, les légions et les provinces qui ignoraient encore le
choix précipité fait au-delà du Tigre, et par une armée en tumulte [2816] . C’est aux
environs du même fleuve, et à peu de distance du funeste camp de Dura [2817] , que les dix
mille Grecs, éloignés de plus de douze cents pailles de leur patrie, furent
abandonnés, sans généraux, sans guides et sans munitions, au ressentiment d’un
monarque victorieux. La différence de conduite et de succès, de la part de
l’armée romaine et de la petite armée des Grecs, est une suite du caractère
plutôt que de la position. Au lieu de se soumettre tranquillement aux
délibérations secrètes et aux vues particulières d’un individu, le conseil des
Grecs fut inspiré par l’enthousiasme généreux d’une assemblée populaire, où
l’amour de la gloire, l’orgueil de la liberté et le mépris de la mort,
remplissent l’âme de chaque citoyen. Convaincus de la supériorité que leur
donnait sur les Barbares la nature de leurs armes autant que leur discipline,
ils se fussent indignés de l’idée seule de se soumettre, et refusèrent de
capituler : à force de patience, de courage et de talent, ils surmontèrent tous
les obstacles, et la mémorable retraite des dix mille insulta, en la dévoilent,
à la faiblesse de la monarchie des Perses [2818] .
    Pour prix de ses honteuses concessions, Jovien aurait pu
demander comme un des articles du traité, que son camp affamé fût abondamment
fourni de vivres [2819] ,
et qu’on lui permît de passer le Tigre sur le pont qu’avaient construit les
Perses ; mais, supposé qu’il ait osé solliciter de si justes conditions, elles
lui furent absolument refusées par l’orgueilleux despote de l trient, dont la
clémence se bornait à pardonner aux étrangers qui étaient venus envahir ses
États. Durant la marche des Romains, lés Sarrasins interceptèrent quelquefois
les traîneurs ; mais les généraux et les troupes de Sapor respectèrent la
trêve, et on permit à l’empereur de chercher l’endroit le plus commode pour le
passage du fleuve. On se servit des petits navires qu’on avait sauvés lors de
l’incendie de la flotte : ils transportèrent d’abord le prince et ses favoris,
et après eux, en différents voyages, la plus grande partie de l’armée. Mais
l’inquiétude qu’éprouvait chacun pour sa sûreté personnelle, et l’impatience
des soldats, qui craignaient de se voir abandonnés sur une rive ennemie, ne
leur permettant pas toujours d’attendre le retour tardif des navires, ils se jetèrent
sur de légères claies ou sur des peaux enflées de vent, et, traînant leurs
chevaux après eux, essayèrent, avec plus ou moins de succès, de traverser ainsi
la rivière. Plusieurs furent engloutis par les vagues ; d’autres, qu’entraînait
le courant, offrirent une proie facile à la cupidité ou à la cruauté des
farouches Arabes ; et la perte de l’armée, lors du passage du Tigre, ne fut pas
inférieure à celle d’un jour de bataille. Dès que les Romains eurent débarqué
sur la rive occidentale, ils furent délivrés des attaques des Barbares ; mais
une marche de deux cents milles, sur les plaines de la Mésopotamie, leur fit
souffrir les dernières extrémités de la faim et de la soif. Ils se virent
obligés de parcourir un désert sablonneux qui, dans un espace de soixante - dix
milles ; n’offrait ni un brin d’herbe douce, ni un filet d’eau fraîche, et qui,
dans toute son étendue, désolé, inhabitable, ne présentait pas une seule trace
de créatures humaines, soit amies, soit même ennemies. Si l’on découvrait dans le
camp quelques mesures de farine, vingt livres de ce précieux aliment étaient
avidement achetées au prix de dix pièces d’or [2820] . Les bêtes de
somme servaient de nourriture ; en trouvait disperses çà et là les armes et

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