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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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ils
vantaient la clémence de ce chef suprême au moment où ils redoutaient le plus
les suites de sa fureur et de son inexorable cruauté [293] . Le tyran,
regardait cette bassesse avec un juste mépris, et, loin de déguiser ses
sentiments, il répondait à l’aversion secrète qu’il inspirait, par une haine
ouverte pour le sénat et pour le corps entier de la nation.
    II . L’Europe est maintenant partagée en différents
États indépendants les uns des autres, mais cependant liés entre eux par les
rapports généraux de la religion, du langage et des mœurs : cette division est
un avantage bien précieux pour la liberté du genre humain. Aujourd’hui un tyran
qui ne trouverait de résistance ni dans son propre cœur ni dans la force de son
peuple, se trouverait encore enchaîné par une foule de liens. Le soin de sa
propre gloire, l’exemple de ses égaux, les représentations de ses alliés, la
crainte des puissances ennemies, tout contribuerait à le retenir. Après avoir
franchi sans obstacles les limites étroites d’un royaume peu étendu, un sujet
opprimé trouverait facilement dans un climat plus heureux un asile assuré, une
fortune proportionnée à ses talents, la liberté d’élever la voix, peut-être
même les moyens de se venger. Mais l’empire romain remplissait l’univers ;
et lorsqu’il fût gouverné par un seul homme, le monde entier devint une prison
sûre et terrible, d’où l’ennemi du souverain ne pouvait échapper. L’esclave du
despotisme luttait en vain contre le désespoir : soit qu’il fût obligé de
porter une chaîne dorée à la cour des empereurs, ou de traîner dans l’exil sa
vie infortunée, il attendait son destin en silence à Rome, dans le sénat, sur
les rochers affreux de l’île de Sériphos [294] ou sur les rives glacées du Danube. La résistance eût été fatale, la fuite
impossible ; partout une vaste étendue de terres et de mers s’opposait à
son passage ; il courait à tout moment le danger inévitable d’être
découvert, saisi et livré à un maître irrité. Au-delà des frontières, de
quelque côté qu’il tournât ses regards inquiets, il ne rencontrait que le
redoutable Océan, des contrées désertes, des peuples ennemis, du langage
barbare, des mœurs féroces, ou enfin, des rois dépendants, disposés à acheter
la protection de l’empereur par le sacrifice d’un malheureux fugitif [295] . Partout où
vous serez, disait Cicéron à Marcellus , n’oubliez pas que vous vous
trouverez également à la portée du  bras du vainqueur [296] .

Chapitre IV
Cruautés, folies et meurtre de Commode. Élection de Pertinax. Ce prince
entreprend de réformer le sénat : il est assassiné par les gardes prétoriennes.
    MARC-AURÈLE, élevé dans l’école du Portique, n’y avait pas
puisé toute la rudesse des stoïciens : la douceur naturelle qui rendait ce
prince si cher à ses peuples, était peut-être le seul défaut de son caractère;
la droiture de son jugement était souvent égarée par la confiante bonté de son
cœur. Il était sans cesse entouré de ces hommes dangereux, qui savent déguiser
leurs passions et étudier celles des souverains, et qui, paraissant devant lui
revêtus du manteau de la philosophie, obtenaient des honneurs et des richesses
en affectant de les mépriser [297] .
Son indulgence excessive pour son frère [298] ,
sa femme et son fils, passa les bornes de la vertu domestique, et devint un
véritable tort public par la contagion de leur exemple et les funestes
conséquences de leurs vices.
    Faustine, fille d’Antonin et femme de Marc-Aurèle, ne s’est
pas rendue moins célèbre par sa beauté, que par ses galanteries. La grave
simplicité du philosophe était un mérite peu propre à charmer une femme légère
et frivole, et peu capable de satisfaire ce besoin désordonné de changement qui
l’entraînait sans cesse, et qui souvent lui faisait apercevoir un mérite
personnel dans le dernier de ses sujets [299] .
L’amour chez les anciens était en général une divinité fort sensuelle ; et
une souveraine obligée par son rang aux avances les plus claires, put
difficilement conserver dans ses intrigues, une grande délicatesse de
sentiment. Dans tous les siècles, les préjugés ont toujours attaché l’honneur
des maris à la conduite de leurs femmes ; mais Marc-Aurèle paraissait
insensible aux désordres de Faustine. Peut-être était-il le seul dans l’empire
qui les ignorât. Il éleva

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