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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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jouissaient de l’abondance, virent les Barbares affamés
expirer lentement sur les rochers de Fæsule qui dominent la ville de Florence.
Que l’armée chrétienne n’ait pas perdu un seul soldat, qu’elle n’en ait pas
même eu un seul de blessé de la main des Barbares, c’est une assertion dont le
ridicule ne permet pas qu’on s’arrête à la repousser ; mais le reste du
récit d’Orose et de saint Augustin s’accorde avec les circonstances et avec le
caractère de Stilichon. Il sentait trop bien qu’il commandait la dernière armée
de la république, pour l’exposer imprudemment en bataille rangée à l’impétueuse
furie des Germains. Se servant avec habileté, sur un terrain plus étendu et
dans une occasion plus décisive, du moyen qu’il avait déjà employa deux fois
avec succès contre le roi des Goths, le général enferma ses ennemis dans une
forte ligne de circonvallation. Le moins instruit des guerriers romains ne
pouvait ignorer l’exemple de César et les fortifications de Dyrrachium, qui,
liant ensemble vingt-quatre forts par un fossé et un rempart non interrompus
dans une étendue de quinze milles, présentaient le modèle d’un retranchement
capable de contenir et d’affamer la plus nombreuse armée [3491] . Les troupes
romaines n’avaient pas autant perdu de l’industrie que de la valeur de leurs
ancêtres ; et si les travaux serviles et pénibles blessaient la vanité des
soldats, la Toscane, pouvait fournir des milliers de paysans plus disposés à
travailler qu’à combattre pour le salut de leur patrie. Le manque de
subsistances servit sans doute plus que l’épée des Romains à détruire une
multitude d’hommes et de chevaux renfermés comme dans une étroite prison [3492] ; mais pendant
toute la durée d’un travail si considérable, les Romains furent exposés aux
fréquentes attaques d’un ennemi impatient. Le désespoir et la faim durent
souvent pousser les Barbares à de violents efforts contre les remparts dont on
cherchait à les environner. Stilichon céda peut-être quelquefois à l’ardeur de
ses braves auxiliaires, qui demandaient à grands cris l’assaut du camp des
Germains ; et ces entreprises réciproques ont pu donner lieu aux combats
sanglants et opiniâtres qui ornent le récit de Zozime et les chroniques de
Prosper et de Marcellin [3493] .
Un utile secours d’hommes et de provisions avait été introduit dans les murs de
Florence l’armée affamée de Radagaise se trouvait à son tour assiégée ; et le
chef orgueilleux de tant de nations belliqueuses, après avoir vu périr ses plus
braves guerriers, n’eut bientôt plus d’autre ressource que de se rendre sur la
foi d’une capitulation ou de la clémence de son vainqueur [3494] . Mais la mort
de cet illustre captif, ignominieusement décapité, déshonora le triomphe de
Rome et du christianisme ; et le court délai de son exécution suffit pour
inculper le général victorieux du reproche de cruauté réfléchie [3495] . Ceux des
Germains affamés qui échappèrent à la fureur des auxiliaires, furent vendus
comme esclaves au vil prix d’une pièce d’or par tête ; mais la différence de
climat et de nourriture fit périr le plus grand nombre de ces malheureux
étrangers ; et, comme on l’a observé alors, les inhumains qui les avaient
achetés, au lieu de profiter du fruit de leurs travaux eurent bientôt à payer
les frais de leurs funérailles. Stilichon informa l’empereur et le sénat de ses
nouveaux succès, et mérita une seconde fois le titre glorieux de libérateur de
l’Italie [3496] .
    Le bruit de cette victoire, et surtout du miracle auquel on
l’attribue, a donné lieu à cette opinion sans fondement, que l’armée entière,
ou plutôt toute la nation des Germains, descendue des côtes de la mer Baltique
; avait été anéantie sous les murs de Florence. Tel fut effectivement le sort
de Radagaise, de ses braves et fidèles compagnons, et de plus d’un tiers de la
multitude de Suèves, d’Alains, de Vandales et de Bourguignons, qui suivaient
les drapeaux de ce général [3497] .
La réunion d’une pareille armée pourrait nous surprendre ; mais les causes qui
la séparèrent sont claires et frappantes. On les trouve dans l’orgueil de la
naissance, la fierté de la valeur, la jalousie du commandement, l’impatience de
la subordination et le conflit opiniâtre des opinions, des intérêts et des
passions, parmi tant de princes et de guerriers aussi peu disposés

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