Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
son
prédécesseur. Le souvenir du grand Constantin, que les légions de la Bretagne
avaient donné à l’Église et à l’empire, leur suggéra le bizarre motif de la
troisième élection. Elles découvrirent dans leurs rangs un simple soldat qui
portait le nom de Constantin, et leur impatiente légèreté l’avait placé sur le
trône avant d’apercevoir son incapacité à soutenir la gloire d’un si beau nom [3509] . Cependant
Constantin eut une autorité moins précaire et plus de succès que ses deux
prédécesseurs. Les exemples récents de l’élévation et de la chute de Marcus et
de Gratien lui firent sentir le danger de laisser ses soldats dans l’inaction
d’un camp deux fois souillé de sang et troublé par la sédition, et il résolut
d’entreprendre la conquête des provinces de l’Occident. Constantin prit terre à
Boulogne, suivi d’un petit nombre de troupes, après s’être reposé quelques
jours, il somma celles des villes de la Gaule qui avaient échappé au joug des
Barbares de reconnaître leur souverain légitime, et elles obéirent sans
résistance. L’abandon où les laissait la cour de Ravenne, relevait suffisamment
du serment de fidélité des peuples oubliés par leur souverain. Leur triste
situation les disposait à accepter tous les changements sans crainte, et
peut-être avec quelques mouvements d’espérance ; on pouvait se flatter que les
troupes, l’autorité ou même le nom d’un empereur romain qui fixait sa résidence
dans la Gaule, défendraient ce malheureux pays de la fureur des Barbares. Les
premiers succès de Constantin contre quelques partis de Germains prirent, en
passant par la bouche des flatteurs, l’importance de victoires Brillantes et
décisives ; mais l’audace des ennemis, réunis enfin en corps d’armées, les
réduisit bientôt à leur juste valeur. A force de négociations, il obtint une
trêve courte et précaire ; et si quelques tribus de Barbares, séduites par ses
dons et ses promesses, consentirent à entreprendre la défense du Rhin, ces
traités incertains et ruineux, au lieu de rendre la sûreté aux frontières de la
Gaule, ne servirent qu’à avilir la majesté du souverain et à épuiser les restes
du trésor public. Enorgueilli toutefois par ce triomphe imaginaire, le
soi-disant libérateur de la Gaule s’avança dans les provinces méridionales pour
parer à un danger plus pressant et plus personnel. Sarus le Goth avait reçu
l’ordre d’apporter la tête de Constantin aux pieds de l’empereur Honorius ; et
cette querelle intestine consuma sans gloire les forces de la Bretagne et de
l’Italie. Après la mort de ses deux plus braves généraux, Justinien et
Nevigastes, dont le premier perdit la vie sur le champ de bataille, et l’autre
par trahison dans une entrevue, le nouveau monarque d’Occident se retira dans
les fortifications à Vienne. L’armée impériale l’attaqua sept jours de suite
sans succès, et, forcée de se retirer avec précipitation, fut honteusement
obligée de payer aux brigands et aux aventuriers des Alpes la sûreté de son
passage [3510] .
Ces montagnes séparaient alors les États des deux monarques rivaux ; et-les
fortifications de cette double frontière étaient gardées par les troupes de
l’empire, qui auraient été plus utilement employées à chasser de ses provinces
les Scythes et les Germains.
Du côté des Pyrénées, la proximité du danger pouvait
justifier l’ambition de Constantin ; mais sa puissance se trouva bientôt
affermie par la conquête ou plutôt par la soumission de l’Espagne ; qui suivit
l’influence d’une subordination habituelle, et, reçut les lois et les
magistrats de la préfecture de la Gaule. Le seul obstacle qu’éprouva son
autorité ne vint ni de la force du gouvernement, ni du courage des peuples,
mais du zèle et de l’intérêt personnel de la famille de Théodose [3511] . Quatre frères,
parents de l’empereur défunt, avaient obtenu, par sa faveur, un rang honorable
et d’amples possessions dans leur pays natal ; et cette jeunesse reconnaissante
était déterminée à employer ses bienfaits au service de son fils. Après des
efforts inutiles pour repousser l’usurpateur avec le secours des troupes stationnées
en Lusitanie, ils se retirèrent dans leurs domaines, où ils levèrent et
armèrent à leurs dépens un corps considérable de paysans et d’esclaves, avec
lesquels ils s’emparèrent hardiment des passages et des postes fortifiés
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