Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
rébellion [3619] .
Tandis que l’orgueil opiniâtre de l’empereur et de sa cour
se soutenait à l’abri des fortifications et des marais impénétrables de
Ravenne, ils abandonnaient Rome sans défense au ressentiment d’Alaric. Telle
était encore cependant la modération réelle ou affectée du roi des Goths que
tandis qu’il s’avançait avec son armée le long de la voie Flaminienne, il
envoya successivement les évêques des différentes villes d’Italie pour réitérer
ses offres de paix, et conjurer l’empereur de sauver Rome et ses habitants des
flammes et du fer des Barbares [3620] .
La ville évita cette affreuse calamité, non par la sagesse d’Honorius, mais par
le prudence, ou par l’humanité du roi des Goths, qui se servi, pour s’emparer
de Rome, d’un moyen plus doux, mais non moins efficace. Au lieu d’assaillir la
capitale, il dirigea ses efforts contre le pont d’Ostie, un des plus étonnants
ouvrages de la magnificence romaine [3621] .
Les accidents auxquels la subsistance précaire de la capitale était
continuellement exposée en hiver par les dangers de la navigation, avaient
suggéré au génie du premier des Césars l’utile dessein qui s’exécuta sous le
règne de l’empereur Claude. Les môles artificiels qui en formaient la passe
étroite, s’avançaient dans la mer et repoussaient victorieusement la violence
des vagues, tandis que les plus gros vaisseaux étaient en sûreté à l’ancre dans
trois bassins vastes et profonds, qui recevaient la branche septentrionale du
Tibre à environ deux milles de l’ancienne colonie d’Ostie [3622] . Le port des
Romains était insensiblement devenu une ville épiscopale [3623] , où l’on
déposait les grains de l’Afrique dans de vastes greniers pour l’usage de la
capitale. Dès qu’Alaric se fut rendu maître de cette place importante, il somma
les Romains de se rendre à discrétion, en leur déclarant que sur leur refus,
ou, même sur leur délai, il ferait détruire à l’instant les magasins d’où
dépendit la subsistance de leur ville. L’orgueil du sénat fut contraint de
céder aux clameurs du peuple et à la terreur de la famine. Il consentit à
placer, un nouvel empereur sur le trône du méprisable Honorius, et le suffrage du
victorieux Alaric donna la pourpre à Attale, préfet de la ville. Ce monarque
reconnaissant nomma son protecteur maître général des armées de l’Occident.
Adolphe, avec le rang de comte des domestiques, obtint la garde, de la personne
du nouvel empereur ; et les deux nations semblèrent réunies par l’alliance et
par l’amitié [3624] .
Les portes de la ville s’ouvrirent, et Attale se rendit,
environné d’un corps de Barbares, au milieu d’une pompe tumultueuse, au palais
d’Auguste et de Trajan. Après avoir distribué à ses favoris et à ses partisans
les honneurs civils et militaires ; le nouveau monarque convoqua une assemblée
du sénat, où il annonça, dans un discours grave et pompeux ; le dessein de
rétablir la majesté de la république, et de réunir les provinces de l’Égypte et
de l’orient, auxquelles Rome avait si longtemps donné des lois. Ces promesses
extravagantes, faites par un usurpateur sans expérience et sans talents, pour
la guerre, excitèrent le mépris de tous les citoyens sensés, qui regardaient
son élévation comme l’injure la plus humiliante que l’arrogance des Barbares
eût encore osé faire à la république ; mais la populace applaudissait avec sa
légèreté ordinaire à un changement de maître, et le mécontentement public
favorisait le rival d’Honorius. Les sectaires, persécutés par ses édits,
espéraient trouver un appui, ou du moins quelque indulgence chez un prince qui,
né en Ionie, avait été élevé dans la religion païenne, et qui avait depuis reçu
le baptême des mains d’un évêque arien [3625] .
Les commencements du règne d’Attale s’annoncèrent d’une manière favorable. On
envoya un officier de confiance avec un faible corps de troupes, pour assurer
l’obéissance de l’Afrique. Presque tonte l’Italie céda à la terreur
qu’inspiraient les armes des Barbares ; la ville de Bologne se défendit avec
opiniâtreté et avec succès ; mais le peuple de Milan, irrité peut être de
l’absence d’Honorius, accepta avec acclamation le choix du sénat. A la tête
d’une armée formidable, Alaric conduisit son captif couronné presque jusqu’aux
portes de Ravenne ; et une ambassade des
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