Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
principaux ministres, de Jovius,
préfet du prétoire, de Valens, maître de la cavalerie et de l’infanterie du
questeur Potamius et de Julien, le premier des notaires, se rendit au camp des
Goths. Ils offrirent, au nom de leur souverain, de reconnaître pour légitime
l’élection son compétiteur et de partager entre les deux empereurs les
provinces de l’Italie et de l’Occident. Leurs propositions furent rejetées avec
mépris ; et Attale, affectant une clémence plus insultante que le refus, daigna
promettre que si Honorius avait la sagesse de renoncer volontairement à la
pourpre, il lui permettrait de .passer tranquillement le reste de sa vie dans
quelque île éloignée [3626] .
La situation du fils de Théodose paraissait en effet si désespérée à ceux qui
connaissaient le mieux ses forces et ses ressources, que Jovius et Valens, son
ministre et son général, trahirent sa confiance, désertèrent indignement la
cause expirante de leur bienfaiteur, et vouèrent à son heureux rival leurs
infidèles services. Effrayé de ces exemples de trahison, Honorius tremblait à
l’approche de tous ses serviteurs, à l’arrivée de tous les messagers. Il
craignait sans cesse que quelque ennemi secret ne se glissât dans sa capitale,
dans son palais et jusque dans son appartement ; il tenait des vaisseaux
prêts dans le port de Ravenne, pour le transporter, au besoin, dans les États
de son neveu, l’empereur d’Orient.
Mais il existe, dit l’historien Procope, une Providence [3627] , qui protégé
l’innocence et la sottise ; et elle ne pouvait raisonnablement refuser son
secours à Honorius. Au moment où, incapable d’une entreprise sage ou hardie, il
méditait une fuite honteuse, un renfort de quatre mille vétérans entra dans le
port de Ravenne. L’empereur confia la garde des murs et des portes de la ville
à ces braves étrangers, dont la fidélité n’était point corrompue par les
intrigues de la cour ; et son sommeil cessa d’être troublé par la crainte d’un
danger intérieur et imminent. Les nouvelles favorables qui arrivèrent d’Afrique
changèrent l’opinion publique et l’état élus affaires. Les troupes et les
officiers envoyés par Attale dans cette province avaient été défaits et
massacrés. Le zèle actif d’Héraclien maintenait l’obéissance des peuples soumis
à son gouvernement. Il envoya une somme d’argent considérable pour assurer la
fidélité des gardes impériales ; par sa vigilance à arrêtée l’exportation
d’huile et de grains, Rome éprouva la famine et le mécontentement du peuple fit
naître le tumulte et les séditions. Le mauvais succès de l’expédition d’Afrique
devint la source de plaintes mutuelles, et de récriminations entre les
partisans d’Attale. Son protecteur se dégoûta insensiblement d’un prince qui
manquait de talents, pour commander, et de docilité pour obéir. Il adoptait les
mesures les plus imprudentes sans en donner connaissance, à Alaric, ou même
contre son avis ; et, le refus que le sénat fit d’admettre cinq cents Barbares
au nombre des troupes qui s’embarquèrent, annonça une méfiance aussi imprudente
dans la circonstance qu’elle était d’ailleurs peu généreuse, Jovius,
nouvellement élevé au rang de patrice ; enflamma par ses artifices le
ressentiment du roi des Goths, et, voulut ensuite excuser cette double perfidie
en assurant qu’il n’avait feint d’abandonner le service d’Honorius que pour
détruire plus facilement le parti de son rival. Dans une vaste plaine, auprès
de Rimini, et en présence d’une multitude innombrable de Romains et de
Barbares, Attale fut publiquement dépouillé de la pourpre et du diadème. Alaric
envoya ces ornements de la royauté au fils de Théodose, en signe de paix et
d’amitié [3628] .
Ceux des officiers qui rentrèrent dans le devoir reprirent leurs emplois, et le
repentir le plus tardif ne resta point sans récompense ; mais l’empereur
dégradé, moins sensible à la .hante qu’au désir de conserver sa vie, demanda la
permission de marcher dans le camp des Goths à la suite d’un Barbare hautain et
capricieux [3629] .
La déposition d’Attale faisait cesser le seul obstacle réel
qui pût s’opposer à la conclusion de la paix ; et Alaric s’avança jusqu’à
trois milles de Ravenne, pour fixer l’irrésolution des ministres impériaux,
dont ce retour de fortune avait ranimé l’insolence. Il apprit avec indignation
que Sarus, un des chefs
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