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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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une blessure mortelle de la main du prince, forcés ainsi d’appuyer du
témoignage de leur sang l’hommage que leur adulation rendait à sa supériorité [340] .
    Commode dédaigna bientôt le nom d’Hercule ; celui de
Paulus, sécuteur célèbre, fut désormais le seul qui flattât son oreille :
il fut gravé sur des statues colossales, et répété avec des acclamations
redoublées [341] par un sénat consterné, et forcé d’applaudir aux extravagances du prince [342] . Claudius
Pompeianus, cet époux vertueux de la coupable Lucilla, osa seul soutenir la
dignité de sort rang. Comme père, il permit à ses fils de pourvoir à leur
sûreté en se rendant à l’amphithéâtre ; comme Romain, il déclara que sa
vie était entre les mains de l’empereur, mais que pour lui, il ne pourrait
jamais se résoudre à voir le fils de Marc-Aurèle prostituer ainsi sa personne
et sa dignité. Malgré son noble courage, Pompéianus n’éprouva point la colère
du tyran ; il fut assez heureux pour conserver sa vie avec honneur [343] .
    Commode état parvenu au dernier degré du vice et de
l’infamie. Au milieu des acclamations d’une cour avilie, il ne pouvait se
dissimuler à lui-même qu’il méritait le mépris et la haine de tout ce qu’il y
avait d’hommes sages et vertueux : cette conviction, l’envie qu’il portait à
toute espèce de mérite, des alarmes bien fondées, l’habitude de répandre le
sang, qu’il avait contractée au milieu de ses plaisirs journaliers, tout
irritait son caractère féroce. L’histoire, nous a laissé une longue liste de
consulaires sacrifiés a ses soupçons. Il recherchait avec un soin particulier
ceux qui étaient assez malheureux pour avoir des relations, même éloignées,
avec la famille des Antonins ; il n’épargna pas les ministres de ses
crimes et de ses plaisirs [344] .
Enfin sa cruauté lui devint funeste. Il avait versé impunément le sang des
premiers citoyens de Rome ; il périt dès qu’il se rendit redoutable à ses
propres domestiques. Marcia sa favorite, Eclectus chambellan du palais,  et
Lætus, préfet du prétoire, alarmés du sort de leurs compagnons, et de leurs
prédécesseurs, résolurent de prévenir leur perte, qui semblait
inévitable ; ils tremblaient sans cessé d’être les victimes du caprice
aveugle de l’empereur(1), ou de l’indignation subite du peuple.
    Un jour [31 décembre 192] que Commode revenait de la
chasse très fatigué Marcia profita de cette occasion pour lui présenter une
coupe remplie de vin. Ce prince voulut ensuite se livrer au sommeil ; mais
tandis qu’il était tourmenté par la violence du poison et les effets de
l’ivresse un jeune homme robuste, lutteur de profession, entra dans sa chambre,
et l’étrangla sans résistance. Le corps fut porté secrètement hors du palais
avant que l’on eût eu  le moindre soupçon dans la ville, ni même à la cour, de
la mort de l’empereur. Ainsi périt le fils de Marc-Aurèle, et ainsi fut abattu,
sans la moindre peine, un tyran détesté, qui, défendu par les moyens
artificiels de l’autorité, avait opprimé pendant treize ans plusieurs millions
d’hommes, dont chacun en particulier avait reçu de la nature une force
semblable et des talents égaux à ceux du prince [345] .
    Les mesures des conspirateurs furent conduites avec le
sang-froid et la célérité que demandait la grandeur de l’entreprise. Résolus de
placer sur le trône un empereur dont la conduite les justifiât, ils firent
choix de Pertinax, sénateur consulaire, dont le mérite éclatant avait fait
oublier la naissance obscure, et qui était parvenu aux premières dignités de
l’État. Il avait commandé successivement la plupart des provinces de l’empire,
et, par son intégrité, par sa prudence et sa fermeté, il avait obtenu dans tous
ses emplois, civils et militaires, l’estime de ses concitoyens [346] . Il était alors
resté, presque seul des amis et des ministres de Marc-Aurèle ; et
lorsqu’on vint l’éveiller au milieu de la nuit, pour lui apprendre que le
chambellan et le préfet du prétoire l’attendaient à sa porte, il les reçut avec
une ferme résignation, et les pria d’exécuter les ordres de leur maître. Au
lieu de la mort, ils lui offrirent le trône du monde : Pertinax refusa
d’ajouter foi à leurs paroles ; enfin, convaincu que le tyran n’existait
plus, il accepta la pourpre avec la sincère répugnance d’un homme instruit des
devoirs et des dangers

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