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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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conviennent avec franchise qu’on les plaça du côté gauche, et que
Beric, chef inconnu peut-être de quelque tribu de Goths, eut la préséance sur
les représentants de Théodose et de Valentinien. Le monarque barbare reçut de
son échanson une coupe pleine de vin, et bût obligeamment à la santé du plus
distingué des convives, qui se leva de son siége, et porta de la même manière
au prince l’hommage de ses vœux respectueux. Tous les convives, au moins les
plus illustres, partagèrent successivement l’honneur de cette cérémonie, et
elle doit avoir duré longtemps, puisque chacun des trois services qui furent
présentés en nécessitait la répétition. Après la disparition des mets, le vin
seul demeura sur les tables, et les Huns continuèrent de se livrer à leur
intempérance, longtemps après le moment où les ambassadeurs des deux empires
jugèrent que la sagesse et la décence leur prescrivaient de se retirer de ce
banquet nocturne. Cependant, avant de le quitter ils eurent l’occasion d’observer
les mœurs de la nation dans les amusements de ses festins. Deux Scythes, debout
devant le lit d’Attila récitèrent les vers qu’ils avaient composés pour
célébrer sa valeur et ses victoires. Un profond silence régnait dans la salle,
et l’attention des convives était enchaînée par des chansons qui rappelaient et
perpétuaient le souvenir de leurs exploits. Une ardeur martiale brillait dans
les yeux des jeunes guerriers, et les larmes des vieillards exprimaient leur
douleur de ne pouvoir plus partager la gloire et le danger des combats [3906] . A cette scène,
dont l’usage pourrait être regardé comme une école de vertus militaires,
succéda une farce qui dégradait la nature humaine. Deux bouffons, l’un Maure et
l’autre Scythe, excitèrent la gaîté des spectateurs par leur figure difforme,
leur habillement grotesque, leurs gestes et leurs discours ridicules, et le
mélange inintelligible des langages des Scythes, des Goths et des Latins. Au
milieu des bruyants éclats de rire dont retentissait la salle, et de la débauche
à laquelle on se livrait de toutes parts, Attila seul, sans changer de
contenance, conserva son inflexible gravité jusqu’à l’arrivée d’Irnac, le plus
jeune de ses fils. Il l’embrassa en souriant, lui caressa doucement la joue ;
et décela sa préférence pour un enfant que ses prophètes assuraient devoir être
un jour le soutien de sa famille et de l’empire. Les ambassadeurs reçurent le
surlendemain une seconde invitation, et eurent lieu de se louer de la politesse
et des égards d’Attila. Le roi des Huns conversa familièrement avec Maximin ;
mais cet entretien était souvent interrompu par des expressions grossières et
des reproches hautains : le monarque soutint avec un zèle peu décent les
réclamations de son secrétaire Constance. L’empereur , dit Attila, lui
promet depuis longtemps une épouse opulente ; il faut que Constance obtienne
satisfaction, et qu’un empereur romain ne coure pas le risque de passer pour un
menteur . Trois jours après, les ambassadeurs reçurent leur congé. On
accorda à leurs pressantes sollicitations la liberté de plusieurs captifs pour
une rançon modérée ; et, outre les présents que les ministres impériaux
reçurent du roi ; chacun des nobles leur fit, avec la permission d’Attila,
l’utile et honorable don d’un excellent cheval. Maximin retourna par la même
route à Constantinople ; et, quoiqu’il se fût trouvé par hasard engagé dans une
querelle avec Béric, le nouvel ambassadeur d’Attila, il se flatta d’avoir
contribué, par ce long et pénible voyage, à confirmer la paix et l’alliance
entre les deux nations [3907] .
    Mais l’ambassadeur romain ignorait le dessein perfide qu’on
avait couvert du masque de la foi publique. La surprise et la satisfaction
qu’Édecon fit paraître en contemplant la splendeur de Constantinople,
encouragèrent Vigilius à lui procurer une entrevue avec l’eunuque Chrysaphius [3908] , qui gouvernait
l’empereur et l’empire. Après quelques conversations préliminaires et le
serment mutuel du secret, l’eunuque, à qui les sentiments de son propre cœur
n’inspiraient pas une idée très exaltée des vertus ministérielles, hasarda de
proposer la mort d’Attila comme un service important, au moyen duquel Édecon
obtiendrait une part considérable dans les richesses qu’il admirait.
L’ambassadeur des Huns prêta l’oreille à cette

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