Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Gaule ; et depuis
les Pyrénées jusqu’au Rhône et à la Loire, l’Auvergne et le Berri furent les
seuls diocèses qui refusassent de le reconnaître pour maître [4083] . Dans la
défense de Clermont, leur principale ville, les habitants de l’Auvergne
souffrirent avec intrépidité les fatigues de la guerre et les fléaux de la
peste et de la famine. Les Visigoths, forcés d’abandonner le siége, renoncèrent
pour le moment à cette importante conquête. La jeunesse de la province était
animée par la valeur héroïque et presque incroyable d’Ecdicius, fils de
l’empereur Avitus [4084] .
Suivi de dix-huit cavaliers, il osa sortir de la ville et attaquer l’armée des
Goths ; et après avoir soutenu le combat toujours en se retirant vers la ville,
ils y rentrèrent vainqueur et sans avoir éprouvé aucune perte. Sa bienfaisance
était égale à son courage : il nourrit à ses dépens quatre mille pauvres dans
un temps de disette, et, par son propre crédit, il parvint à lever une armée de
Bourguignons pour la défense de l’Auvergne. Les sujets fidèles de la Gaule
n’attendaient plus leur délivrance et leur liberté que de son courage ; et
cependant ce courage même ne suffisait pas pour prévenir la ruine de son pays,
puisque ses concitoyens attendaient que son exemple les déterminât à la fuite
ou à la servitude [4085] .
La confiance publique était perdue, les ressources de l’État épuisées ; et les
Gaulois commençaient à se persuader, avec raison, qu’Anthemius, qui régnait sur
l’Italie, manquait de moyens pour secourir ses sujets au-delà des Alpes. Le
faible empereur ne put lever, pour leur défense, qu’un corps de douze mille
Bretons auxiliaires. Riothamus, un des rois ou chefs indépendants de cette île,
consentit à transporter ses troupes dans la Gaule ; il remonta la Loire et
établit ses quartiers dans le Berri, où les peuples gémirent sous la tyrannie
de ces nouveaux alliés, jusqu’au moment où les Visigoths les détruisirent ou
les dispersèrent [4086] .
Le procès et la condamnation du préfet Arvandus sont un des
derniers actes d’autorité que le sénat romain ait exercés sur la Gaule.
Sidonius, qui se félicitait de vivre sous un règne où il était permis de
plaindre et de consoler un criminel d’État, avoue avec franchise les fautes de
son inconsidéré et malheureux ami [4087] .
Les périls auxquels avait échappé Arvandus lui inspirèrent moins de sagesse que
de présomption ; et il se conduisit dans toutes les occasions avec une si
constante imprudence, qu’on doit moins s’étonner de sa chute que de ses succès.
La seconde préfecture qu’il obtint cinq ans après effaça tout le mérite de sa
première administration, et lui ôta toute la popularité qu’il avait acquise :
dépourvu de solidité dans le caractère, il se laissa corrompre par la flatterie
et s’irrita par la contradiction. Forcé de vexer sa province pour apaiser ses
propres créanciers, il offensa les nobles de la Gaule par l’insolence de sa
tyrannie, et succomba sous le poids de la haine publique. Le mandat impérial qui
le révoquait, lui ordonnait en même temps de se justifier devant le sénat ; et
il passa la mer de Toscane avec un vent favorable, qu’il regarda follement
comme le présage de son bonbon à venir. On conservait encore du respect pour le
rang de préfet ; Arvandus, en arrivant à Rome, fut confié plutôt aux soins qu’à
la garde de Flavius Asellus, comte des sacrées largesses, qui demeurait dans le
Capitole [4088] .
Les députés de la Gaule, ses accusateurs, le poursuivirent vigoureusement. Ils
étaient tous quatre distingués par leur naissance, leur rang et leur éloquence
; ils intentèrent une action civile et criminelle au nom d’une grande province
; et selon les formes ordinaires de la jurisprudence romaine, avec la demande
de restitutions équivalentes aux pertes des particuliers, et d’une punition qui
put satisfaire la justice de l’État. Il y avait contre lui de fortes et
nombreuses accusations, tant de corruption que de tyrannie ; mais les
adversaires d’Arvandus fondaient leur principale espérance sur une lettre qu’ils
avaient interceptée, et qu’appuyés du témoignage de son secrétaire, ils
l’accusaient d’avoir dictée lui-même. Dans cette lettre, on détournait le roi
des Goths de faire la paix avec l’empereur grec : on l’engageait à attaquer les
Bretons sur les bords de la Loire, et on lui recommandait de
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