Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Placidie à Ravenne ou au port d’Ostie,
et le futur empereur se rendit au camp de Ricimer, où il fut reçu comme le
monarque de l’Occident [4096] .
Le patrice, qui avait étendu, ses postes depuis l’Anio
jusqu’au pont Milvius, était déjà le maître de deux quartiers de Rome, du
Janicule et du Vatican, que le Tibre sépare du reste de la ville [4097] ; et l’on
peut conjecturer qu’une assemblée d’un petit nombre de sénateurs scissionnaires
proclama Olybrius, en imitant les formes ordinaires de la république ; mais le
peuple et le corps du sénat restèrent fidèles à Anthemius ; et le secours d’une
armée de Visigoths prolongea durant trois mois son règne et les calamités d’un
siége accompagné de la famine et de la peste. Enfin Ricimer fit attaquer
victorieusement le pont d’Adrien ou de Saint-Ange, et les Goths défendirent
avec intrépidité cet étroit passage jusqu’à la mort de leur chef Gilimer ; mais
les troupes victorieuses, renversant tous les obstacles, se précipitèrent, avec
une impétuosité irrésistible, jusque dans le cœur de la ville, et Rome (si nous
pouvons employer les expressions d’un pape contemporain) fut bouleversée par
les fureurs mutuelles de Ricimer et d’Anthemius [4098] . On arracha le
malheureux empereur de sa retraite ; le patrice fit immoler inhumainement son
beau-père, et ajouta par sa mort un troisième ou peut-être un quatrième
empereur au nombre de ses victimes. Les soldats, qui réunissaient les fureurs
des citoyens factieux à la férocité des nations barbares, se rassasièrent
impunément de meurtres et de pillage. La foule d’esclaves et de plébéiens qui
ne prenaient point d’intérêt à l’événement ne pouvaient que gagner au désordre
; le tumulte de Rome présentait l’étrange contraste d’une cruauté réfléchie et
d’une licence effrénée [4099] .
Quarante jours après cet événement funeste, où le crime s’était montré sans
mélange de gloire, une maladie douloureuse délivra l’Italie du tyran Ricimer,
qui légua le commandement de son armée à son neveu Gundobald, un des princes
bourguignons. Dans la même année, tous les principaux acteurs de cette
révolution disparurent de la scène et le règne d’Olybrius dont la mort paraît
avoir été naturelle se trouve renfermé dans le cours de sept mois. Il laissa
une fille de son mariage avec Placidie ; et la famille du grand Théodose,
transplantée d’Espagne à Constantinople, se propagea, du côté maternel, jusqu’à
la huitième génération [4100] .
Tandis que l’Italie, sans maître, était abandonnée aux
fureurs des Barbares [4101] ,
le conseil de Léon s’occupait sérieusement de l’élection d’un nouveau collègue.
L’impératrice Vorine, jalouse d’élever sa propre famille, avait marié une de
ses nièces à Julius Nepos, qui régnait sur la Dalmatie, depuis la mort de son
oncle Marcellin ; possession bien plus réelle que le titre d’empereur
d’Occident, qu’on le força d’accepter : mais la cour de Byzance agissait avec
tant de lenteur et d’irrésolution, que plusieurs mois s’écoulèrent après la
mort d’Anthemius et même d’Olybrius, sans que celui qui devait leur succéder
pût se montrer à ses sujets d’Italie avec des forces capables de le faire
respecter. Dans cet intervalle, Gundobald revêtit de la pourpre Glycerius,
guerrier obscur attaché à son service ; mais le prince bourguignon manqua de
moyens ou de volonté pour allumer une guerre civile en faveur de son protégé.
Son ambition personnelle le rappela au-delà des Alpes [4102] , et son client
eut la permission d’échanger le diadème d’empereur de l’Occident pour la mitre
d’évêque de Salone. Après s’être défait de son compétiteur, l’empereur Nepos
fut reconnu par les Italiens, par le sénat et par les provinces de la Gaule. On
célébra hautement ses vertus morales et ses talents militaires ; et ceux qui
tiraient quelque avantage de son gouvernement annoncèrent d’un ton prophétique
le retour de la prospérité publique [4103] .
En moins d’une année leurs espérances, en supposant qu’ils en eussent conçu
quelques-unes, furent entièrement anéanties, et le règne court et obscur de
Julius Nepos n’offre pour événement qu’un traité de paix qui cédait l’Auvergne
aux Visigoths. L’empereur d’Italie sacrifia à sa sûreté personnelle les plus
fidèles sujets de la Gaule [4104] ; mais son repos fut bientôt troublé
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