Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
la Gaule
Narbonnaise ; mais Recarède désarma les conspirateurs, défit les rebelles, et
exerça une vengeance que les ariens auraient pu traiter à leur tour de
persécution. Huit évêques, dont les noms attestent l’origine barbare, abjurèrent
leur erreur, et les livres de théologie arienne furent réduits en cendres avec
le bâtiment où on les avait rassemblés pour cet effet. Le corps de la nation
des Suèves et des Visigoths rentra, soit par persuasion, soif de force, dans la
communion orthodoxe ; du moins la foi de la génération naissante fit elle
fervente et sincère, les Barbares enrichirent de leurs libéralités les églises
et les monastères de l’Espagne. Soixante-dix évêques, assemblés dans le concile
de Tolède, reçurent la soumission de leurs vainqueurs et le zèle des Espagnols
perfectionna le symbole de Nicée en déclarant que le Saint Esprit procédait
également du Père et du Fils. Ce point de doctrine important produisit
longtemps après le schisme des Églises grecque et latine [4267] . Aussitôt après
ce succès, le monarque des Visigoths envoya saluer et consulter de sa part le
pape Grégoire, surnommé le Grand, prélat pieux et savant, qui eut le bonheur de
voir convertir sous son règne des infidèles et des hérétiques. Les ambassadeurs
de Recarède lui offrirent respectueusement de l’or, des pierres précieuses, et
acceptèrent comme un échange avantageux les cheveux de saint Jean-Baptiste, une
croix où était renfermé un morceau de la croix de Jésus-Christ, et une clef qui
contenait quelques limailles des chaînes de saint Pierre [4268] .
Le même Grégoire, après avoir converti la Bretagne,
encouragea la pieuse Théodelinde, reine des Lombards, à répandre la foi de
Nicée parmi les sauvages victorieux dont le christianisme récent était taché
par l’hérésie d’Arius. Ses pieuses entreprises laissèrent cependant encore une
carrière ouverte aux travaux et aux succès des missionnaires qui vinrent après
lui, et les évêques des deux partis se disputèrent encore plusieurs villes de
l’Italie ; mais l’influence de la vérité, de l’exemple et de l’intérêt,
anéantit insensiblement la doctrine arienne ; et les Lombards d’Italie
terminèrent par leur conversion, après une guerre de trois cents ans, la
controverse dont l’Égypte avait puisé les principes dans l’école de Platon [4269] .
Les premiers missionnaires qui prêchèrent l’Évangile aux
Barbares en appelèrent au témoignage de la raison, et réclamèrent les lois
naturelles de la tolérance [4270] ; mais dès que leur autorité spirituelle fut établie, ils exhortèrent les rois
chrétiens à extirper sans miséricorde les restes des superstitions romaines et
barbares. Les successeurs de Clovis condamnèrent les paysans qui refusaient de
détruire leurs idoles, à recevoir cent coups de verges ou de courroies. Les
Anglo-Saxons punirent les sacrifices aux démons par l’emprisonnement et la
confiscation, et le sage Alfred lui-même [4271] adopta comme un devoir indispensable la rigueur des institutions
mosaïques ; mais le crime et la punition disparurent peu à peu chez les
peuples chrétiens ; une heureuse ignorance suspendit les querelles théologiques
; et l’esprit d’intolérance, ne trouvant plus d’hérétiques ou d’idolâtres à
persécuter, fut réduit à s’exercer contre les Juifs. Cette nation exilée avait
fondé quelques synagogues dans les villes de la Gaule ; mais depuis le règne
d’Adrien, l’Espagne était peuplée de ses nombreuses colonies [4272] . Les richesses
que les Juifs avaient obtenues par je commerce, et par la gestion des finances,
excitèrent la pieuse avarice de leurs maîtres, et ceux-ci purent opprimer sans
danger un peuple qui avait perdu l’usage et jusqu’au souvenir des armes.
Sisebut, roi des Goths, qui régnait au commencement du septième siècle,
commença la persécution par le dernier excès de la rigueur [4273] . On força
quatre-vingt-dix mille Juifs à recevoir le sacrement du baptême ; ceux qui
refusèrent furent dépouillés de leur fortune ; on leur fit souffrir la torture,
et il paraît douteux qu’ils aient obtenu la liberté de sortit de leur pays. Le
zèle de Sisebut était si excessif que le clergé d’Espagne voulut le modérer, et
prononça solennellement la sentence la plus inconséquente. On ne devait pas,
disaient-ils, forcer à recevoir les sacrements ; mais il fallait ; pour
l’honneur de l’Église,
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