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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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Lorsque l’empereur rendait la justice,
l’attention, le discernement et l’impartialité, caractérisaient ses décisions.
S’il s’écartait quelquefois des principes d’une exacte équité, il faisait
toujours pencher la balance en faveur du pauvre et des opprimés ; moins guidé,
il est vrai, par quelque sentiment d’humanité que par le penchant naturel
qu’ont les princes, despotes à humilier l’orgueil des grands, et à rabaisser
tous leurs sujets au niveau commun d’une dépendance absolue. Ses dépenses
considérables en bâtiments et en spectacles magnifiques, et ses distributions
constantes de blé, et de provisions de toute espèce, étaient les moyens les
plus sûrs de captiver l’affection du peuple romain [422] . On avait oublié
les malheurs des guerres civiles, et les provinces goûtaient encore une fois
les avantages de la paix et de la prospérité. Plusieurs villes rétablies par la
magnificence de Sévère, prirent le titre de colonies, et attestèrent, par des
monuments publics, leur reconnaissance et leur félicité [423] . Ce prince
habile, toujours suivi par la fortune, fit revivre la réputation des armes
romaines [424] ,
et il se glorifiait à juste titre, de ce qu’ayant trouvé l’empire accablé de
guerres civiles et étrangères, il le laissait dans le calme d’une paix
profonde, honorable et universelle [425] .
    Quoique les plaies faites à l’État par les discordes
intestines parussent entièrement guéries, un poison mortel attaquait les
sources de la constitution. Sévère possédait un caractère ferme et des talents
supérieurs ; mais le génie audacieux du premier des Césars, ou la
politique profonde d’Auguste, aurait à peine été capable de courber l’insolence
des légions victorieuses. La reconnaissance, une nécessité apparente et une
politique mal entendue, engagèrent Sévère à relâcher les ressorts de la
discipline militaire [426] .
Il flatta la vanité des soldats, et parut s’occuper de leurs plaisirs, en leur
permettant de porter des anneaux d’or, et de vivre dans les camps avec leurs
femmes. Leur paye n’avait jamais été aussi forte ; ils recevaient de plus
des largesses extraordinaires à chaque fête publique, ou toutes les fois que
l’État était menacé de quelque danger Insensiblement ils s’accoutumèrent à
exiger ces gratifications. Enflés par la prospérité, énervés par le luxe, et
élevés par des prérogatives dangereuses au-dessus des sujets de l’empire [427] , ils furent
bientôt incapables de supporter les fatigues militaires ; et, sans cesse
disposés à secouer le joug d’une juste subordination, ils devinrent le fléau de
leur patrie. De leur côté, les officiers ne soutenaient la supériorité de leur
rang que par un extérieur plus pompeux et par une profusion plus éclatante. Il
existe encore une lettre de Sévère, dans laquelle ce prince se plaint amèrement
de la licence de ses armées [428] ,
et exhorte un de ses généraux à commencer par les tribuns eux-mêmes une réforme
indispensable. En effet, comme il l’observe très bien, un officier qui perd
l’estime de ses soldats ne peut en exiger l’obéissance [429] . Si l’empereur
eût suivi cette réflexion dans toute son étendue il aurait facilement découvert
que la corruption générale prenait sa source, sinon dans l’exemple du premier
chef, au moins dans sa funeste indulgence.
    Les prétoriens, qui avaient massacré leur maître et vendu
publiquement l’empire, avaient reçu le châtiment que méritait leur
trahison ; mais l’institution nécessaire, quoique dangereuse, des gardes,
fut rétablie sur un nouveau plan, et leur nombre devint quadruple de ce qu’il
était auparavant [430] .
Ces troupes n’avaient d’abord été composées que des habitants de
l’Italie ; lorsque les mœurs amollies de la capitale s’introduisirent par
degrés dans les contrées voisines, la Macédoine, la Norique et l’Espagne,
furent aussi comprises dans les levées. C’était de ces différentes provinces
que l’on tirait une troupe brillante, dont l’élégance convenait mieux à la
pompe des cours qu’aux opérations pénibles d’une campagne. Sévère entreprit de
la rendre utile ; il ordonna que désormais les gardes seraient formées de
l’élite des légions répandues sur les frontières. On choisissait dans leur sein
les soldats les plus distingués par leur force, par leur valeur et par leur
fidélité. Ce nouveau service

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