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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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devenait, pour eux un honneur et une récompense [431] . La jeunesse italienne
perdit ainsi l’usage des armes ; et une multitude de Barbares vint étonner de
sa présence et de ses mœurs la capitale tremblante ; mais l’empereur
voulait que les légions regardassent ces prétoriens d’élite comme les
représentants de tout l’ordre militaire ; il se flattait en même temps
qu’un secours toujours présent de cinquante mille hommes, plus habiles à la
guerre et mieux payés que les autres soldats, ferait évanouir tout espoir de
rébellion, et assurerait l’empire à sa postérité.
    Le commandement de ces guerriers redoutables et si chéris du
souverain, devint bientôt le premier poste de l’État. Comme le gouvernement
avait dégénéré en un despotisme militaire, le préfet du prétoire, qui, dans son
origine, avait été simple capitaine des gardes, fut placé à la tête, non
seulement de l’armée, mais encore de la finance et même de la législation [432] . Il représentait
la personne de l’empereur, et exerçait son autorité dans toutes les parties de
l’administration. Plautien, ministre favori de Sévère, fut revêtu le premier de
cette place importante, et abusa pendant plus de dix ans de la puissance
qu’elle lui donnait. Enfin, le mariage de sa fille avec le fils aîné de
l’empereur, qui semblait devoir assurer sa fortune, devint la cause de sa perte [433] . Les intrigues
au palais, qui excitaient tour à tour son ambition et ses craintes, menacèrent
de produire une révolution. Sévère, qui chérissait toujours son ministre [434] se vit forcé,
quoiqu’à regret, de consentir à sa mort [435] .
Après la chuté de Plautien, l’emploi dangereux de préfet du prétoire fut donné
au savant Papinien, jurisconsulte célèbre.
    Depuis la mort d’Auguste, ce qui avait distingué les plus
vertueux et les plus prudents de ses successeurs, c’était leur attachement, ou
du moins leur respect apparent peur le sénat, et leurs égards attentifs pour le
tissu toujours délicat de la nouvelle constitution. Mais Sévère, élevé dans les
camps, avait été accoutumé dans sa jeunesse à une obéissance aveugle ; et
lorsqu’il fût plus avancé en âgé ne connut d’autorité que le despotisme du
commandement militaire. Son esprit hautain et inflexible ne pouvait découvrir
ou ne voulait pas apercevoir l’avantage de conserver, entre l’empereur et
l’armée, une puissance intermédiaire, quoique fondée uniquement sur
l’imagination. Il dédaignait de s’avouer le ministre d’une assemblée qui le
détestait et qui tremblait à son moindre signe de mécontentement ; il
donnait des ordres, tandis qu’une simple requête aurait eu la même force. Sa
conduite était celle d’un souverain et d’un conquérant ; il affectait,
même d’en prendre le langage ; enfin, ce prince exerçait ouvertement toute
l’autorité, législative aussi bien que le pouvoir exécutif.
    Il était aisé de triompher du sénat ; une pareille
victoire n’avait rien de glorieux. Tous les regards étaient fixes sur le
premier magistrat, qui disposait des armes et des trésors de l’État tous les
intérêts se rapportaient à ce chef suprême. Le sénat, dont l’élection ne
dépendait point du peuple, et qui n’avait aucunes troupes pour sa défense, ne
s’occupait plus du bien public. Son autorité chancelante portait sur une base
faible et prête à s’écrouler : le souvenir de son ancienne sagesse, cette
belle théorie du gouvernement républicain, disparaissait insensiblement et
faisait place à ces passions plus naturelles, à ces mobiles plus réels et plus
solides que met en jeu le pouvoir monarchique. Depuis que le droit de
bourgeoisie et les honneurs, attachés au nom de citoyen avaient passé aux
habitants des provinces, qui n’avaient jamais connu ou qui ne se rappelaient
qu’avec horreur l’administration tyrannique de leurs conquérants, le souvenir
des maximes républicaines s’était insensiblement effacé. C’est avec une maligne
satisfaction que les historiens grecs du siècle des Antonins observent qu’en
s’abstenant, par respect pour des préjugés presque oubliés, de prendre le titre
de roi, le souverain de Rome possédait, dans toute son étendue, la prérogative
royale [436] .
Sous le règne de Sévère, le sénat fut rempli d’Orientaux, qui venaient étaler
dans la capitale le luxe et la politesse de leur patrie. Ces esclaves éloquents
et doués d’une

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