Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
quelqu’un a tué, même involontairement,
un chat ou un ibis, il ne peut éviter le dernier supplice ; le peuple l’y
traîne, et le traite d’une manière cruelle, et quelquefois sans attendre qu’il
y ait eu un jugement rendu… Dans le temps même que le roi Ptolémée n’était
point encore l’ami déclaré du peuple romain, qu’ils faisaient leur cour avec
tout le soin possible aux étrangers qui, venaient d’Italie…, un Romain ayant
tué un chat, le peuple accourut à sa maison, et ni les prières des grands que
le roi leur envoya, ni la terreur du nom romain, ne furent assez fortes pour
arracher cet homme au supplice, quoiqu’il eût fait cette action
involontairement . Diodore de Sicile,
I, 83. — Juvénal, dans la satire 15, décrit le combat sanglant que se livrèrent
les Ombes et les Tentyrites, par haine religieuse. La fureur y fut portée au
point que les vainqueurs y déchirèrent et dévorèrent les membres palpitants des
vaincus.
Arclet adhuc Ombos et Tentyra summus utrinque
Indè furor vulgo, quod numina vicinorum
Odit uterque locus ; quum solos credat habendos
Esse deos quos ipse colis . Sat. XV, v. 35.
3° Les Grecs . Ne citons point ici , dit l’abbé
Guenée , les villes
du Péloponnèse et, leur sévérité contre l’athéisme ; les Éphésiens poursuivant
Héraclite comme impie ; les Grecs armés les uns contre les autres par le zèle
de religion dans la guerre des amphictyons. Ne parlons ni des affreuses
cruautés que trois successeurs d’Alexandre exercèrent contre les Juifs, pour
les forcer d’abandonner leur culte ; ni d’Antiochus chassant les philosophes de
ses États, etc., etc. Ne cherchons point des preuves d’intolérance si loin
Athènes, la polie et savante Athènes nous en fournira assez de preuves. Tout
citoyen y faisait un serment public et solennel de se conformer à la religion
du pays, de la défendre et de la faire respecter. Une loi expresse y punissait
sévèrement tout discours contre les dieux, et un décret rigoureux ordonnait de
dénoncer quiconque oserait nier leur existence. — La pratique y répondait à la
sévérité de la législation. Les procédures commencées contre Protagore, la tête
de Diagore mise à prix, le danger d’Alcibiade, Aristote obligé de fuir, Stilpon
banni, Anaxagore échappant avec peine à la mort, Périclès lui-même, après tant
de services rendus à sa patrie, et tant de gloire acquise, contraint de
paraître devant les tribunaux et de s’y défendre… ; une prêtresse exécutée pour
avoir introduit des dieux étrangers ; Socrate condamné et buvant la ciguë,
parce qu’on lui reprochait de ne point reconnaître ceux du pays, etc. : ces
faits attestent trop hautement l’intolérance sur le culte, même chez le peuple
le plus humain et le plus éclairé de la Grèce, pour qu’on puisse la révoquer en
doute . Lettres de quelques Juifs
portugais à M. de Voltaire , t. 1, p. 273.
4° Les Romains . Les lois de Rome n’étaient ni moins expresses ni
moins sévères. L’intolérance des cultes étrangers remontait, chez les Romains,
jusqu’aux lois des Douze Tables ; les défenses furent renouvelées depuis à
plusieurs reprises. L’intolérance ne discontinua point sous les empereurs ;
témoin les conseils de Mécène à Auguste : (Ces conseils sont si remarquables,
que je crois devoir les insérer en entier.) Honorez vous-même , dit
Mécène à Auguste, honorez soigneusement les dieux selon les usages de nos
pères, et forcez (αναγxαζε) les
autres à les honorer. Haïssez et punissez les fauteurs des religions étrangères (τους δε δη
ξενίζοντας……
μισει xαι xοαλζε), non
seulement à cause des dieux (qui les méprise, ne respecte personne) ; mais
parce que ceux qui introduisent des dieux nouveaux, engagent une foule de gens
à suivre des lois étrangères ; et que de là naissent des unions par serment,
des ligues, des associations, choses dangereuses dans une monarchie . Voyez Dion Cassius, LII, c. 36, p. 689.
Les lois même que les philosophes
d’Athènes et de Rome écrivirent pour des républiques imaginaires sont
intolérantes. Platon ne laisse pas aux citoyens la liberté du culte, et Cicéron
leur défend expressément d’avoir d’autres dieux que ceux de l’Etat . Lettres de quelques Juifs portugais à M. de
Voltaire , tome 1, p. 279. ( Note de l’Editeur )
[1344] Dùm Assyrios penes Medosque et Persas Oriens fuit,
despectissima pars servientium .
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