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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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’ expression même non-infirmation, il ressort qu ’ Épicure se contente d ’ une conception des choses qui ne soit pas contredite par l ’ expérience manifeste.
    Cet univers nouveau, cet univers d ’ atomes forme un tout rationnel et bien lié dont les principes peuvent servir d’explication au détail des phénomènes visibles, tels que les phénomènes célestes ou les phénomènes vitaux. Épicure recommande à ses disciples d ’ avoir toujours devant l ’ esprit cette «  vue d ’ ensemble  » qui permet à l ’ occasion « de découvrir le détail, quand on a bien saisi et que l ’ on garde en sa mémoire le dessin d ’ ensemble des choses  » . Cette nécessité d ’ une vue d ’ ensemble est un des thèmes qui revient le plus fréquemment dans le poème de Lucrèce  : c ’ est qu ’ « il est bien facile de découvrir et de voir de l ’œil de la pensée comment se forment les phénomènes météorologiques de détail quand on connaîtra bien ce qui est dû aux divers éléments  » .  [481]
    Or cette vue d ’ ensemble, pour être assurée, ne nécessite-telle pas une source d ’ évidence distincte de celles que nous avons appris à connaître  ? Car il s ’ agit ici non plus de saisir les choses invisibles dans leur liaison avec les choses manifestes, mais de les saisir en elles-mêmes. « Si tu penses que les atomes ne peuvent être saisis par nul coup d ’œil de l ’ esprit ( injectus animi = ε̉πιбολή), tu es dans une grande erreur  » , ou encore  :«  C ’ est l’esprit qui cherche à comprendre ce qu ’ il y a dans l ’ infini, hors des murailles du monde, où l ’ intelligence veut étendre sa vue et où s ’ envole librement le regard de l ’ esprit ( jactus animi )  [482] .  » On comprend alors sinon la nature, du moins le rôle du quatrième critère, cité par Diogène, l ’ intuition spirituelle et réfléchie qui, voyant d ’ ensemble l ’ univers (φανταστική ε̉πιбολή τη̃ς διανοίας) et p.341 dépassant la simple intuition des sens, nous fait assister au spectacle du mécanisme universel des atomes  : évidence d ’ une autre espèce que celle de la sensation, mais aussi immédiate qu ’ elle, et accompagnée d ’ un sentiment de clarté et de satisfaction spirituelle que l ’ on sent à chaque page de l ’ œuvre de Lucrèce.
    Ainsi le canonique est bien une énumération d ’ évidences de nature distincte et irréductible, mais qui toutes prétendent dépasser les apparences et atteindre la réalité.
     
    III. — LA PHYSIQUE ÉPICURIENNE
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    Dans quelles conditions et sous quelle forme Épicure fut-il amené à remettre en honneur la physique de Démocrite, avec laquelle nous voyons reparaître de vieilles images ioniennes que l ’ on pouvait croire disparues, notamment celles de la pluralité des mondes et de l ’ infini dans lequel ils puisent leur matière  ? Il est certain que, avec elles et par elles, nous voyons reparaître aussi le libre esprit ionien, qui fait un tel contraste avec le rationalisme théologique que nous avons vu naître en Sicile (p. 65) et dont les stoïciens sont maintenant les représentants.
    L ’ on sait sans doute par quel canal lui arriva le système de Démocrite, puisqu ’ il fut l ’ élève du démocritéen Nausiphane de Téos  ; mais, outre qu ’ il le désavoue formellement comme maître et n ’ a jamais assez de railleries pour lui non plus que pour Démocrite, on voit assez combien différent était l ’ esprit qui l ’ animait  : Épicure est presque totalement étranger aux sciences positives, mathématiques, astronomie et musique. Aussi la physique n ’ avait nullement pour lui son but en elle-même : « Si la crainte des météores et la peur que la mort ne soit quelque chose pour nous, ainsi que l ’ ignorance des limites des douleurs et des désirs, ne venaient gêner notre vie, nous n ’ aurions nullement besoin de physique  [483] .  »
     
    p.342 Il ne faut pourtant attribuer à Épicure rien qui ressemble à l ’ état d ’ esprit du pragmatisme  ; la physique atomiste a son évidence en elle-même, et la démonstration de ses théorèmes est complètement indépendante des résultats qu ’ elle peut avoir dans la vie morale. Une physique comme la stoïcienne, une démiurgie comme celle du Timée ne pourront subsister sans les croyances morales ou métaphysiques dont elles ne sont qu ’ un aspect  ; pareille hypothèse n ’

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