Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
les orateurs et les poètes, mais dans les mathématiques.
L ’ on trouve dans certains traités contemporains un pressentiment plus net de la méthode. Acontio publie en 1558 un De methodo qui définit la méthode « un procédé correct qui , permet, en deçà de l ’ examen de la vérité ( citra veritatis examen ) de poursuivre la connaissance d ’ une chose et d ’ enseigner convenablement la manière dont on l ’ a acquise » [917] . Cette définition contient donc deux parties : méthode d ’ investigation et méthode d ’ exposition. Cette méthode d ’ investigation consiste à aller du plus connu au moins connu, et le plus connu, c ’ est pour Acontio non seulement des idées générales, mais des « notions innées qui sont telles que, si on les profère, personne ne peut ne pas donner son assentiment, comme : le tout est plus grand que la partie » . Pourtant la méthode reste un simple auxiliaire qui ne dispensera pas de l ’ examen de la thèse à laquelle elle amène.
Malgré ces réelles faiblesses, le ramisme a exercé, jusqu ’ au milieu du XVI I e siècle, un grand attrait, surtout en Allemagne. Ramus a parfaitement senti et noté l ’ exigence de clarté qui caractérise son époque et qui l ’ amène à sortir des écoles et à écrire en langue vulgaire :« Quand je retourne des escholes grecques et latines, et desire à l ’ exemple et imitation des bons escholiers rendre ma leçon à la patrie... et lui declairer en sa langue et intelligence vulgaire le fruict de mon estude, j ’ apperçoy plusieurs choses repugnantes à ces principes, lesquelles je n ’ avoye peu appercevoir en l ’ eschole par tant de disputes » [918] .
Ajoutons que, ennemi de l ’ aristotélisme, Ramus trouva sur sa route tous les élèves des Padouans ; il attaquait Aristote non seulement comme logicien, mais comme libre penseur , comme p.775 auteur d ’ une théologie qui nie la providence et la création, et d ’ une morale indépendante de la religion. Il eut donc contre lui tous les libertins du temps. Galland, l ’ ami du peripatéticien padouan Vicomercato, dans sa réponse à Ramus ( Pro schola parisiensi contra novam Academiam P. Rami , 1551) lui oppose aussi le caractère indispensable d ’ une morale indépendante, celle qui « a appris aux païens les devoirs de la vie domestique, publique et civile, qui nous apprend à refréner nos désirs et nos passions » ;« qu ’ on recommande les devoirs envers Dieu, et la piété en passant sous silence les vertus civiques, à aucun prix, je ne le supporterai [919] ».
XI. — LE PLATONISME : POSTEL ET BODIN
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L ’ esprit platonicien a une exigence d ’ unité qui fait défaut à tous les autres. Ce sont des tentatives d ’ unité qui caractérisent les grands systèmes qui closent l ’ ère de la Renaissance.
D ’ abord l ’ effort, de caractère pratique autant que théorique, de Guillaume Postel qui veut utiliser sa connaissance des langues orientales pour réaliser l ’ unité religieuse de la terre ( de orbis terme concordia , 1542) et qui pense que cet accord est possible grâce au caractère rationnel des vérités religieuses : hostile aux protestants qui rompent l ’ unité chrétienne non moins qu ’ au catholicisme autoritaire qu ’ établit le concile de Trente, il ne voit de salut que dans le retour à l ’ origine oubliée de toutes les religions, qui est la raison : il s ’ agit avant tout pour lui de démontrer contre les Padouans la création ex nihilo et l ’ immortalité personnelle ; et c ’ est Platon qu ’ il leur oppose : « Car, dit-il, pour contredire les Idées de Platon, les substances séparées et, en général, la sagesse créée tout entière, ils en sont venus à nier Dieu en le représentant comme contraint à agir » [920] . Il faut ajouter que la religion rationnelle de Postel reste celle p.776 d ’ un homme de la Renaissance, celle d ’ un érudit qui, comme Marsile Ficin et Pic de la Mirandole, essaye de la rattacher à une tradition dont il trouve les échos chez Platon, mais aussi dans la révélation des Sibylles, dans la Kabbale juive, et chez les Étrusques, à qui il consacre un livre : tradition qui vient de la Raison, conçue cette fois non plus comme simple faculté de raisonner, mais comme le Verbe, le Logos, l’âme du monde qui anime tous les êtres et qui inspire les prophètes.
Le juriste Jean Bodin est l ’ auteur d
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