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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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la plus distincte et le mode de considérer le plus élevé doivent toujours être préférés, ce n ’ est pas une raison pour blâmer un autre mode qui a de bons fruits, bien qu ’ ils ne soient pas du même arbre. Les Épicuriens ont dit beaucoup de bonnes choses, bien qu ’ ils ne s ’ élèvent pas au-dessus des qualités de la matière. Héraclite a bien des choses excellentes, bien qu ’ il ne dépasse pas l ’ âme. On tire profit d ’ Anaxagore qui place au-dessus d ’ elle un intellect, le même que Socrate, Platon, Trismégiste et nos théologiens ont appelé Dieu »  [922] .
    Nul passage ne peut mieux exprimer l ’ éclectisme de Bruno et son ambition d ’ une philosophie totale  ; il n ’ a qu ’ un ennemi, c ’ est Aristote, l ’ homme « injurieux et ambitieux, qui a voulu déprécier les opinions de tous les autres philosophes avec leurs manière de philosopher ».
    p.779 Cette richesse ou plutôt cette profusion de pensées chez un philosophe qui, comme plus tard Leibniz, ne veut rien perdre des spéculations du passé, a toujours déconcerté ceux qui ont voulu tenter un exposé systématique de la doctrine de Bruno. Une hiérarchie d ’ hypostases  : Dieu, Intelligence, Ame du monde et matière, comme chez Plotin  ; l ’ héliocentrisme de Copernic avec l ’ infinité des mondes qui lui est lié  ; l ’ Identité de Parménide  ; l ’ atomisme de Démocrite avec une physique corpusculaire, voilà les principales thèses de Bruno, qui n ’ avaient guère accoutumé de se trouver ensemble  : nous avons vu le plotinisme intimement lié au géocentrisme, qui seul peut lui fournir une image sensible de l ’ unité, et Plotin condamne l ’ atomisme qui remplacerait la continuité de la vie par la composition mécanique. Verrons-nous donc chez Bruno, une suite de systèmes successifs, ce qui paraît bien impossible, dans les ouvrages qu ’ il a composés en une période de dix ans de 1582 à 1592, de 34 à 44 ans  ? Aimerons-nous mieux voir un tissu de contradictions dans ces livres que Bruno, qui avait abandonné son couvent de dominicains en 1576, écrivit pendant une vie agitée, suspect à tous, aux luthériens comme aux calvinistes, puis enfermé huit ans dans les prisons du Saint-Office, d ’ où il ne sortit en 1600 que pour le bûcher  ? Certes il y a chez lui bien des inconséquences et même des absurdités, comme son singulier atomisme mathématique qui, composant des lignes de points, semble dater d ’ un temps antérieur à Platon, où les irrationnelles n ’ avaient pas encore été découvertes. Mais, pour le reste, Bruno a su au contraire dégager le platonisme de solidarités compromettantes  : rappelons en effet que le platonisme, à l ’ origine, n ’ est nullement lié, comme le système d ’ Aristote, au géocentrisme, que Scot Érigène, comme Nicolas de Cuse, deux grands platoniciens, maîtres particulièrement aimés de Bruno, ont été favorables à l ’ héliocentrisme des Pythagoriciens, que Platon lui-m ême dans le Timée après avoir parlé du monde comme d ’ un vivant et de son âme, expose un atomisme qui p.780 constitue le monde de corpuscules, solides réguliers inscriptibles en des sphères  : or c ’ est à cet atomisme de Platon (et non à celui de Démocrite) que Bruno se réfère dans le texte suivant  :«  Pour Pythagore les premiers principes sont les monades et les nombres, pour Platon les atomes, les lignes et les surfaites  » [923] ; c ’ est lui, et non Épicure, qui lui suggère l ’ idée de donner à tous les atomes la figure sphérique.
    Bruno, en véritable intuitif, a rompu ainsi de séculaires associations d ’ idées  ; les platoniciens vulgaires en restaient à la contemplatio ordinis , à la connaissance de l ’ ordre hiérarchique des choses  ; or elle n ’ est que le quatrième degré d ’ une échelle qui en comporte neuf, dont les deux derniers sont «  la transformation de soi-même en la chose, et la transformation de la chose en soi-même  » [924] . Entre tous les moments de la connaissance, Bruno voit d ’ ailleurs une parfaite pénétration  : « On peut démontrer, écrit-il, que s ’ il y a dans le sens participation de l ’ intelligence, le sens sera l ’ intelligence elle-même.  » Texte significatif où disparaît cette opposition des sens à l ’ intellect qui est une des plus chères au platonisme vulgaire, et qui montre bien la tendance constante de Bruno  :

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