Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
’ une République (1577) où il oppose Platon à Machiavel, en déclarant que l ’ autorité de l ’ État reste soumise au droit naturel, qu ’ elle ne peut, par exemple, supprimer la propriété individuelle et que l ’ État n ’ a d ’ autre fin que le souverain bien humain. L ’ idée fondamentale de son Heptaplomeres est la même que celle de Postel : dégager de toutes les religions existantes un contenu commun qui puisse devenir la religion universelle qui « n ’ est pas autre chose que le regard d ’ un esprit pur vers le vrai Dieu » ; mais sa religion est encore plus simplifiée que celle de Postel, puisqu ’ elle ne contient guère que l ’ affirmation du Dieu unique et de son culte par l ’ exercice des vertus morales ; et, dans la pratique, il arrive à une tolérance qui lui fait reconnaître toutes les religions « afin de n ’ estre pas accusé d ’ athéisme ou d ’ estre un séditieux capable de troubler la tranquillité de la République » [921] .
XII. — LE PLATONISME ITALIEN : TELESIO
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Des préoccupations sociales dominent la pensée de Postel et de Bodin : bien différents sont les spéculatifs italiens dont nous allons parler : tous soutiennent cet animisme universel, cette théorie de l ’ univers vivant que nous avons déjà rencontrée p.777 chez les Padouans. Ce qui les en distingue, c ’ est d ’ abord qu ’ ils sont hostiles à Aristote, c ’ est ensuite qu ’ ils donnent leur doctrine comme une vision totale de la réalité qui se suffit et n ’ est pas simplement juxtaposée à la foi.
C ’ est d ’ abord Telesio (1509-1518), qui, au dire de François Bacon, est le premier des modernes ( novorum hominem primum ). Il fait revivre l ’ animisme stoïcien, qui pouvait lui être connu par Diogène Laërce, Sénèque et Cicéron : il admet le dynamisme avec ses deux principes : une force active et une matière tout à fait inerte et passive ; seulement cette force motrice se dédouble en force expansive ou chaleur et force de contraction ou froid : expansion et contraction expliquent, par leurs divers degrés, toutes les différences qualitatives des êtres. Cette force active est un corps, et l ’ âme du vivant, qui en est une partie, est également un corps, un souffle ou pneuma, répandu à travers les cavités cérébrales et les nerfs. Cette conception de l ’ âme, qui sera vulgarisée dans la théorie courante des esprits animaux, implique, sur la nature de la connaissance, une thèse analogue à celle des Stoïciens : la sensation est un contact où l ’ objet modifie le souffle ou esprit, qui réagit par une activité propre de conservation ; cette activité de conservation (Telesio suit ici le livre III du De Finibus de Cicéron) donne naissance à la morale, grâce à la connaissance que l ’ homme prend de la solidarité de sa conservation avec celle d ’ autrui ; et la principale vertu sociale, comme au De officiis de Cicéron, est l ’ humanité, tandis que la vertu intérieure est la sublimité qui fait trouver le bonheur dans la vertu. Quant à la connaissance intellectuelle, mémoire et pensée, elle consiste en une conservation des sensations, capable de suppléer aux sens, quand ils nous manquent. La sensation et la conscience se trouvent d ’ ailleurs non pas seulement chez les hommes et les animaux, mais en tous les êtres de la nature dont le tout sympathique forme l ’ animal univers.
Telesio soutient bien aussi la thèse d ’ une âme immatérielle p.778 qui s ’ ajoute à l ’ autre et qui est en rapport avec notre destinée surnaturelle ; mais il est difficile de voir dans cette addition autre chose qu ’ une mesure de prudence à l ’ égard des puissances de l ’ Église.
XIII. — LE PLATONISME ITALIEN ( suite ) :
GIORDANO BRUNO
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G. Bruno (1548-1600) cite souvent parmi ses maîtres italiens François Patrizzi (1529-1597), le professeur de Ferrare et de Padoue qui contribua en effet beaucoup à répandre ce platonisme ésotérique, qui mélange les idées des dialogues avec la mystique des livres hermétiques, et les oracles des Chaldéens ; syncrétisme que nous allons retrouver chez Bruno.
« Il est d ’ un cerveau ambitieux et présomptueux, écrit G. Bruno, de vouloir persuader aux autres qu ’ il n ’ y a qu ’ une seule voie pour arriver à la connaissance de la nature... Bien que la voie la plus constante et la plus ferme, la plus contemplative et
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