Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
Cléanthe (264-232) et Chrysippe (232-204). Ce bref rappel était nécessaire pour bien comprendre leur attitude politique. Cette attitude est nette : entre les villes grecques, qui font un dernier effort pour conserver leurs libertés, et les diadoques qui fondent des États étendus, ils n’hésitent pas ; toute leur sympathie va aux diadoques et particulièrement aux rois de Macédoine ; ils continuent la tradition des cyniques admirateurs d’Alexandre et de Cyrus. Zénon et Cléanthe n’ont jamais demandé pour eux le droit de cité athénien, et Zénon, nous dit-on, tenait à son titre de Cittien [409]. Les rois leur prodiguent avances et flatteries ; il semble qu’ils sentent qu’il y a en ces écoles une force morale qu’on ne peut négliger. Antigone Gonatas notamment est un grand admirateur de Zénon ; il écoute ses leçons lorsqu’il va à Athènes, ainsi que plus tard celles de Cléanthe, et il leur envoie à l’un et à l’autre des subsides ; à la mort de Zénon, c’est lui qui prend l’initiative de demander à la ville d’Athènes d’élever un tombeau au Céramique en son honneur. C’était un personnage assez important pour que Ptolémée n’envoyât pas d’ambassadeurs à Athènes sans qu’ils lui rendissent visite [410]. Antigone aimait s’entourer de philosophes ; il avait à sa cour Aratus de Sole, auteur d’un poème des Phénomènes où se trouve exposée l’astronomie d’Eudoxe ; il voulut y faire venir Zénon lui-même, à titre de conseiller et de directeur de conscience ; celui-ci, trop âgé, refusa, mais il lui envoya deux de ses disciples, p.290 Philonide de Thèbes et Persée, un jeune homme de Cittium qui avait été son serviteur et dont il avait fait l’éducation philosophique ; Persée devint un homme de cour, dont l’influence était assez grande pour qu’il reçût lui-même les flatteries du Stoïcien Ariston, si l’on en croit le poème satirique de Timon. Bien des années après, en 243, nous le trouvons chef de la garnison macédonienne de l’Acrocorinthe, au moment où la citadelle est assiégée par Aratus de Sicyone ; c’est, semble-t-il, dans ce siège qu’il trouva la mort, en défenseur de la cause macédonienne contre les libertés de la Grèce. Nous le voyons intervenir dans les négociations qu’un autre philosophe, Ménédème d’Erétrie, un Mégarique celui-là, qui avait un rôle politique important en sa ville natale, menait avec Antigone pour délivrer Erétrie des tyrans et y établir la démocratie : or Persée ne fait, semble-t-il, que servir la politique macédonienne, partout appuyée sur les tyrans, lorsqu’il veut empêcher Antigone de satisfaire aux demandes de Ménédème [411].
Comme Zénon envoie Persée à Antigone, Cléanthe envoie Sphaerus à Ptolémée Evergète. Ce Sphaerus était le maître stoïcien qui avait enseigné la philosophie à Sparte et y avait eu, entre autres élèves, Cléomène [412]. Cléomène, qui rétablit à Sparte la constitution de Lycurgue, s’est peut-être en ses réformes politiques inspiré du stoïcisme ; mais, à vrai dire, il n’avait, pas plus qu’aucun Spartiate, cet esprit hellénique qui animait son ennemi, le chef de la ligue achéenne, Aratus de Sicyone.
L’univers politique des Stoïciens est donc bien différent de celui d’un Platon. S’ils tiennent dans la cité d’Athènes une place considérable, ce n’est plus à titre de conseillers politiques ; Diogène Laërce ( VII, 10 ) nous a conservé, en les mélangeant, les deux décrets par lesquels le peuple athénien accordait à p.291 Zénon une couronne d’or et un tombeau au Céramique ; or il y est dit : « Zénon de Cittium, fils de Mnaséas, a enseigné la philosophie pendant beaucoup d’années dans notre ville ; c’était un homme de bien ; il invitait à la vertu et à la tempérance les jeunes hommes qui le fréquentaient, il les engageait dans la bonne voie, et il offrait en exemple à tous sa propre vie, qui était conforme aux théories qu’il exposait. Avec la plus grande admiration pour ses qualités morales, il n’y a pas trace de son rôle politique.
II. — COMMENT NOUS CONNAISSONS
L’ANCIEN STOÏCISME
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De l’enseignement de Zénon et de Chrysippe, nous n’avons qu’une connaissance indirecte ; des nombreux traités de Zénon, des sept cent cinq traités de Chrysippe, il ne reste qu’une partie des titres conservés par Diogène Laërce et d’infimes
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