Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
constitutionnel ; le déisme philosophique, par le culte de l’Être suprême qu’institua le comité de salut public ; le matérialisme de la société d’Holbach par le culte de la raison et de la nature, que fit décréter la commune. Il en fut de même pour les opinions politiques, depuis la royauté de l’ancien régime jusqu’à la démocratie sans bornes de la faction municipale. Cette dernière avait perdu, dans Marat, son principal appui et son véritable chef ; tandis que le comité de salut public avait conservé le sien, Robespierre. Elle avait à sa tête des hommes qui jouissaient d’une extrême popularité dans la basse classe. Chaumette, et son substitut Hébert, étaient ses chefs politiques ; Ronsin, commandant de l’armée révolutionnaire, son général ; l’athée Anacharsis Clootz, son apôtre. Elle s’appuyait dans les sections sur les comités révolutionnaires dans lesquels se trouvaient beaucoup d’étrangers obscurs, qu’on supposait, non sans vraisemblance, agents de l’Angleterre pour perdre la république, en poussant à l’anarchie et aux excès. Le club des cordeliers n’était composé que de ses partisans. Les Vieux Cordeliers de Danton qui avaient contribué si puissamment au 10 août, et qui avaient formé la commune de cette époque, étaient entrés dans le gouvernement, dans la convention, et ils avaient été remplacés dans le club par des membres qu’ils appelaient avec mépris, des patriotes de la troisième réquisition.
La faction d’Hébert qui popularisait dans le Père Duchêne l’obscénité du langage, les sentiments bas et cruels, et qui mêlait la dérision pour les victimes, aux exécutions de parti, fit en peu de temps des progrès redoutables. Elle força l’évêque de Paris et ses vicaires à abjurer le christianisme à la barre de la convention, et la convention à décréter que le culte catholique serait remplacé par le culte de la raison. Les églises furent fermées, ou transformées en temples de la raison, et l’on établit dans toutes les villes des fêtes qui furent de scandaleuses scènes d’athéisme. Le comité de salut public fut alarmé de la puissance de cette faction ultra-révolutionnaire, et il s’apprêta à l’arrêter et à la détruire. Robespierre l’attaqua bientôt (le 15 frimaire an II, 5 décembre 1793) à la tribune de l’assemblée. « Citoyens représentants du peuple, dit-il, les rois coalisés contre la république nous font la guerre avec des armées, avec des intrigues ; et nous opposerons à leurs armées des armées plus braves, et à leurs intrigues la vigilance et la terreur de la justice nationale. Toujours attentifs à renouer les fils de leurs trames secrètes à mesure qu’ils sont rompus par la main du patriotisme, toujours habiles à tourner les armes de la liberté contre la liberté même, les émissaires des ennemis de la France travaillent aujourd’hui à renverser la république par le républicanisme, et à rallumer la guerre civile par la philosophie. » Il associa les ultra-révolutionnaires de la commune aux ennemis extérieurs de la république. « Vous avez, dit-il à la convention, à empêcher les extravagances et les folies qui coïncident avec les plans de la conspiration étrangère. Je demande que vous défendiez aux autorités particulières (à la commune) de servir nos ennemis par des mesures irréfléchies, et qu’aucune force armée ne puisse s’immiscer à ce qui appartient aux opinions religieuses. » Et la convention qui avait forcément applaudi aux abjurations sur la demande de la commune, décréta, sur la demande de Robespierre, que toutes violences et mesures contraires à la liberté des cultes étaient défendues.
Le comité de salut public était trop fort pour ne pas triompher de la commune ; mais il avait à résister en même temps au parti modéré de la Montagne, qui demandait la cessation du gouvernement révolutionnaire et de la dictature des comités. Le gouvernement révolutionnaire n’avait été créé que pour comprimer, la dictature que pour vaincre ; et comme la compression et la victoire ne paraissaient plus nécessaires à Danton et à son parti, ils cherchèrent à rétablir l’ordre légal et l’indépendance de la convention ; ils voulurent abattre la faction de la commune ; arrêter l’action du tribunal révolutionnaire ; vider les prisons remplies de suspects ; réduire les pouvoirs des
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