Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
et Moreau fut condamné à deux ans de détention, qui se changèrent en bannissement.
Cette conspiration, découverte au milieu de février 1804, rendit encore plus chère à la masse du peuple, la personne menacée du premier consul ; il reçut des adresses de tous les corps de l’état et de tous les départements de la république. Vers ce même temps il frappa une illustre victime. Le 15 mars, le duc d’Enghien fut enlevé par un escadron de cavalerie, au château d’Etteinheim, dans le grand duché de Bade, à quelques lieues du Rhin. Le premier consul crut, d’après des indices de police, que ce prince avait dirigé le dernier complot. Le duc d’Enghien fut conduit précipitamment à Vincennes, jugé en quelques heures par une commission militaire, et fusillé dans les fossés du château. Cet attentât ne fut point un acte de politique, d’usurpation, mais bien de violence et de colère. Les royalistes avaient pu croire, au 18 brumaire, que le premier consul étudiait le rôle de Monk ; mais, depuis quatre années, il les avait guéris de cette espérance. Il n’avait plus besoin de rompre avec eux d’une manière aussi sanglante, ni de rassurer, comme on l’a dit, les Jacobins, qui n’existaient plus. Les hommes qui restaient attachés à la république, craignaient alors beaucoup plus le despotisme que la contre-révolution. Tout porte à croire que Bonaparte, qui comptait peu avec la vie des hommes, peu avec le droit des gens, qui avait déjà pris l’habitude d’une politique emportée et expéditive, crut le prince un des conjurés, et voulut en finir, par un terrible exemple, avec les conspirations, le seul danger pour son pouvoir à cette époque.
La guerre avec la Grande-Bretagne, et la conspiration de Georges et de Pichegru, servirent d’échelon à Bonaparte pour monter du consulat à l’empire. Le 6 germinal an XII (27 mars 18o4), le sénat , en recevant communication du complot, envoya une députation au premier consul. Le président François de Neuchâteau s’exprima en ces termes : « Citoyen premier consul, vous fondez une ère nouvelle, mais vous devez l’éterniser : l’éclat n’est rien sans la durée. Nous ne saurions douter que cette grande idée ne vous ait occupé, car votre génie créateur embrasse tout, et n’oublie rien. Mais ne différez point ; vous êtes pressé par le temps, par les événements, par les conspirateurs, par les ambitieux ; vous l’êtes, dans un autre sens, par une inquiétude qui agite les Français. Vous pouvez enchaîner le temps, maîtriser les évènements, désarmer les ambitieux, tranquilliser la France entière, en lui donnant des institutions qui cimentent votre édifice, et qui prolongent pour les enfants ce que vous fîtes pour les pères. Citoyen premier consul, soyez bien «assuré que le sénat vous parle ici au nom de tous les citoyens. »
Bonaparte répondit de Saint-Cloud, le 5 floréal an XII (25 avril 1804), au sénat : « Votre adresse n’a pas cessé d’être présente à ma pensée ; elle a été l’objet de mes méditations les plus constantes. Vous avez jugé l’hérédité de la suprême magistrature nécessaire pour mettre le peuple à l’abri des complots de nos ennemis et des agitations qui naîtraient d’ambitions rivales. Plusieurs de nos institutions vous ont en même temps paru devoir être perfectionnées pour assurer sans retour le triomphe de l’égalité et de la liberté publique, et offrir à la nation et au gouvernement la double garantie dont ils ont besoin. À mesure que j’ai arrêté mon attention sur ces grands objets, j’ai senti de plus en plus que, dans une circonstance aussi nouvelle qu’importante, les conseils de votre sagesse et de votre expérience m’étaient nécessaires pour fixer toutes mes idées. Je vous invite donc à me faire connaître votre pensée tout entière. » Le sénat répliqua à son tour, le 14 floréal (3 mai) : « Le sénat pense qu’il est du plus grand intérêt du peuple français de confier le gouvernement de la république à Napoléon Bonaparte, empereur héréditaire. » C’est par cette scène arrangée qu’on préluda à l’établissement de l’empire.
Le tribun Curée engagea la discussion, dans le tribunal, par une motion d’ordre ; il fit valoir les mêmes motifs que ceux des sénateurs. Sa motion fut accueillie avec empressement. Carnot seul eut le courage de combattre l’empire : « Je suis
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