Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
l’armée ?
Les autorités en avaient déjà envoyé en Amérique, mais, depuis la proclamation de l’Indépendance, les Etats-Unis n’en voulaient plus. Alors naquit cette idée de les expédier au bout du monde, dans cette Australie que Cook avait plus ou moins abordée, et qui était peuplée d’êtres étranges — ces kangourous, ces koalas — et même d’humains, qui « l’étaient fort peu ». De ce pays, ils ne reviendraient pas. Sur les 733 premiers partants embarqués dans des conditions épouvantables, il y avait 431 condamnés pour « vols mineurs, 44 voleurs de moutons, 9 auteurs de gros larcins, et en tout 31 qui avaient commis une violence sur une personne ; environ la moitié avaient moins de vingt-cinq ans. Bref, en guise de « criminels », il s’agissait essentiellement de tout jeunes et petits délinquants. 48 d’entre eux périrent lors d’un voyage très dur, qui dura 252 jours, où le scorbut fit ses habituels ravages. En Angleterre même, 25 000 « criminels » figuraient sur la liste d’attente…
Tels furent ces « convicts », dont la légende fit des « criminels » épouvantables. Encore aujourd’hui, les habitants d’Adélaïde, venus après coup, et librement, rappellent volontiers que l’Australie du Sud « n’est pas un pays de convicts ». S’ils n’étaient pas criminels à l’origine, ils le devinrent sans s’en apercevoir — par le massacre des aborigènes —, et, sensibles seulement à ce qui avait été leur propre malheur, ils voulurent faire des Nouvelles-Galles du Sud cette terre de Justice que n’avait pas su être leur mère patrie. Grand nombre de leurs descendants haïssent l’Angleterre.
Les premières rencontres entre des Anglais et un aborigène ont été consignées par le chirurgien de l’expédition,John White, vers 1798 : « Par signes et gestes, il semblait me demander si le pistolet que je tenais lui ferait un trou ; et, comme pour montrer qu’il s’en doutait, il ne manifesta pas le moindre signe de peur ; au contraire il essaya de m’impressionner en montrant la supériorité de ses propres armes, les mettant sur sa poitrine, puis se secouant comme pour nous montrer qu’elles étaient dangereuses, mortelles et qu’on ne pourrait pas leur résister » (R. Hughes, The Fatal Shore) .
De fait, le massacre commença très tôt, certaines coutumes indigènes — frapper les femmes au sang, broyer les crânes des soldats pris en embuscade — donnant bonne conscience à tous qui jugeaient « qu’il ne s’agissait pas d’êtres humains mais de singes ».
Pendant longtemps l’histoire officielle a effacé le souvenir de ces actes. L’ethnologie l’y a aidée. Dans son ouvrage « classique » sur les aborigènes (1962), A.P. Elkin consacre un paragraphe entier à « l’accroissement démographique depuis 1930 », mais pas une ligne à l’effondrement démographique du siècle précédent. Sans doute la disparition des trois quarts de la population indigène ne concerne aucun secteur de la science…
La mémoire aborigène a gardé le souvenir de cette arrivée « du capitaine Cook », figure éponyme de l’irruption des Blancs. Les vieux le disent aux jeunes enfants, ils se rappellent ce que leur avait dit leur ancêtre : « Vous serez tués, ne vous battez pas, filez. Il crèvera votre œil, votre nez. Ne vous occupez pas de lui, filez… parce que vous savez, dans le temps, ils vous tiraient comme un chien… Les Whifellows tirent les Ngumpin… ( Hidden Histories , XX-XXI).
Des enfants ont consigné dans des petits cahiers ce que leur ont raconté leurs ancêtres. Dans The Aborigenal Children’s History of Australia , Marika Wandjuk a effectué cette collecte, où est ainsi raconté le début de ce génocide. « Un jour, on vit un navire avec des hommes étranges. Les aborigènes furent effrayés et se cachèrent derrière des buissons. Puis ils montèrent au haut de la colline et quand les hommes étranges s’approchèrent, ils firent dévaler de gros rochers. Les aborigènes pensèrent qu’ils étaient morts,mais pas du tout. Ils tirèrent avec leurs fusils. Les aborigènes se cachèrent à nouveau puis lancèrent leurs javelots ; les hommes étranges réussirent à les esquiver, montèrent à bord de leurs bateaux puis disparurent… Le capitaine Cook revint, fut blessé et repartit… L’armée arriva alors… Nous ne les avons pas tués parce que nous étions amis. Ils
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