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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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décidé que les réserves noires, désormais appelées national homelands , créeraient un État, un Bantoustan.
    Naturellement, cette politique, dite du développement séparé, suscita de violentes réactions dans les populations indiennes et noires qui s’organisent en développant l’ African National Congress (ANC), la Coloured People’s Organization , etc., dont les leaders furent arrêtés, battus, emprisonnés, tués après chaque campagne de désobéissance. Près d’un million d’Africains furent arrêtés en 1968 pour infractions, tandis que la plupart des leaders noirs, les marxistes en tête, étaient incarcérés, tel Nelson Mandela. La lutte s’est poursuivie.
    Ce qui a entièrement changé dans la pratique du racisme sud-africain entre l’époque des Boers et celle du règne des Afrikaners, c’est-à-dire entre la fin du XIX e  siècle et la seconde moitié du XX e  siècle, est lié sans doute aux transformations qu’a connues la société blanche sud-africaine, celle des Boers essentiellement, qui ont dû se convertir à l’économie de marché, à l’industrialisation, alors qu’il s’agissait traditionnellement d’un ordre pastoral, dont la violence est différente de celui que l’éclatement économique a institué.
    Pendant longtemps, en effet, en pays boer, Blancs et Noirs vivaient de la terre, les premiers dominant les seconds et triomphant de leur résistance « par les poings, les coups de fouet et les armes à feu ». Mais cette violence était tempérée par des pratiques paternalistes ; « elle sous-tendait et renforçait la dynamique du patriarcat », car la flagellation étant ritualisée, le patriarche l’appliquait aussi à ses enfants.
    S’agissant des Noirs, il fallait qu’à tout acte de violence commis sur un tenancier corresponde une compensation, par des cadeaux et concessions en vue d’assurer la stabilité du système. Et, à défaut d’inviter des Noirs dans sa maison, le propriétaire la lui ouvrait pour la prière. De même, il assistait aux obsèques des vieux serviteurs, donnait l’autorisation d’abattre une de ses bêtes pour certaines fêtes, etc.
    Dans ce système, le propriétaire blanc perpétuait chez les Noirs le statut d’enfant, en leur conférant des noms chrétiens auxquels ils ajoutaient un diminutif ; chez les Blancs comme chez les Noirs, la déférence envers les Anciens, les plus âgés, créait une connivence particulière. Chez les tout jeunes, les jeux étaient volontiers communs, et l’écart ne se manifestait qu’avec la puberté. Charles Van Onselen a recueilli un témoignage oral qui montre que tout a changé lorsque les Anglais se sont substitués aux Boers, dans le district de Schweitzer-Reneke, dans le Haut-Veld. L’économie monétaire avait pris la relève, et les idées libérales, peut-être, des nouveaux propriétaires, avaient peu d’effet sur la réalité ; « les propriétaires afrikaners nous donnaient du lait caillé, ou du lait frais et de la bonne nourriture ; les Anglais ont tout arrêté. A la place, ils nous ont donné quelques tasses de lait par jour… Ils les comptaient. Les Afrikaners ne vendaient pas leurs affaires. Ils nous donnaient des pantalons, des chaussures et autres choses. Mais les Anglais vendaient leurs vêtements. Ils ne nous auraient jamais donné une paire de pantalons sans la faire payer » (Van Onselen, Annales , 1992).
    Ces rapports traditionnels se sont érodés avec les Boers aussi, dès qu’avec les machines l’utilisation du cheptel des Noirs n’a plus eu sa logique, et que cette main-d’œuvre, chassée de ses lots, s’est atomisée pour aller travailler à la mine ou ailleurs. L’initiative du changement venait du Blanc qui n’avait plus intérêt, désormais, à perpétuer un ordre paternaliste et qui, à la violence qu’il tempérait, substitua le racisme absolu de l’apartheid.
    Il serait abusif de comparer le racisme qui a pu sévir en Algérie avec ses pratiques en Afrique du Sud. Sans doute la ségrégation a-t-elle pu exister aussi dans quelques domaines — pas de joueurs de tennis arabes, mais desramasseurs de balles, des quartiers « réservés », des mariages mixtes très rares ; mais l’Islam, en un sens, sécrétait son propre exclusivisme, et peu de métropolitains ou de pieds-noirs franchissaient le seuil de la maison d’un Arabe, quelques notables exceptés.
    Mais ce qui a exaspéré la colère des Noirs d’Afrique du Sud est bien

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