Histoire du Consulat et de l'Empire
restauration monarchiste. L'agence anglaise a été démantelée en mai et les papiers d'Hyde de Neuville saisis chez l'abbé Godart, permettant l'arrestation de plusieurs de ses comparses. Les chefs du parti royaliste sont particulièrement surveillés. Ainsi, le général d'Andigné, suspect de comploter encore contre le gouvernement, est interpellé dans son château de La Blanchaye, le 5 décembre 1800. Transféré le 22 décembre d'Angers à Paris, il est enfermé au Temple.
C'est là qu'il prend connaissance de l'attentat perpétré contre Bonaparte, le 3 nivôse.
L'attentat est alors devenu le seul moyen d'abattre Bonaparte.
Mais, pas plus que les jacobins, les royalistes ne sont unanimes à souhaiter ce recours au tyrannicide. A cette date, ils n'ont du reste aucune assurance que leur geste servira la restauration. L'attentat royaliste de la rue Saint-Nicaise est donc avant tout une manifestation contrerévolutionnaire, qui prend pour cible le chef de l'exécutif, en ce qu'il incarne la Révotution. Aux yeux des royalistes irréductibles, elle ne s'est pas close au 18-Brumaire. De ce point de vue, l'attentat doit être replacé dans une série d'actes contrerévolutionnaires qui marquent les derniers jours de l'année 1800 et qui, s'ils ne répondent pas nécessairement à un plan parfaitement orchestré, n'en sont pas moins révélateurs d'une opposition persistante aux symboles de la Révolution. Le 25 septembre 1800, le sénateur Clément de Ris est enlevé en Touraine, par une bande de brigands composée d'anciens chouans. L'affaire paraît suffisamment sérieuse à Bonaparte pour que, deux jours seulement après les faits, il dépêche sur place son aide de camp, Savary, munis d'ordres particulièrement fermes : « Vous activerez les préfets, maires, commandants de gendarmerie et de force armée, et vous suivrez les traces des brigands jusqu'à ce que vous les ayez atteints li. » Bonaparte ne peut admettre que l'autorité de l'État soit ainsi bafouée en la personne de l'un de ses hauts représentants. Deux mois plus tard, le 19 novembre 1800, c'est un autre symbole de la Révolution qui est visé, en la personne d'Audrein, évêque constitutionnel du Finistère, mais aussi ancien membre de la Convention et régicide. Audrein est assassiné par une bande de chouans, alors même que le représentant du pape, Mgr Spina, vient d'entamer à Paris les négociations qui devaient conduire au Concordat. La crainte de concessions faites à l'Église constitutionnelle a sans doute contribué à armer le bras des assassins d'Audrein. Un de ses collègues de l'Église constitutionnelle, Le Coz, évêque d'Ille-et-Vilaine ne s'y trompe pas ; il voit dans cet assassinat, comme il l'écrit à Grégoire, une volonté de punir « la religieuse constance avec laquelle l'évêque de Quimper et ses semblables n'ont cessé de prêcher aux peuples l'obligation de se soumettre aux lois de leur patrie 12 ».
C'est aussi en novembre 1800 qu'arrivent à Paris deux chouans 102
LA LUTIE CONTRE LES OPPOSITIONS
décidés à tuer Bonaparte, Limoélan et Saint-Régent. Fouché est tenu informé de leur venue et les fait filer, mais les deux hommes échappent à la surveillance de ses policiers et préparent l'attentat de la rue Saint-Nicaise, avec l'aide de comparses, parmi lesquels Carbon qui achète la charrette ayant servi à transporter le baril de poudre. L'attentat fut attribué à l'activité de Cadoudal et d'Hyde de Neuville. Ce dernier s'est défendu farouchement d'en être l'instigateur, sans qu'il soit nécessaire de mettre sa parole en doute. Toutefois, il est présent à Paris au même moment. Cadoudal lui a confié qu'il songeait alors à enlever Bonaparte. Quoi qu'il en soit, on ne peut qu'être frappé par la concordance de ces actes avec l'ouverture des négociations avec le Saint-Siège. Les milieux royalistes n'ont-ils pas craint qu'une réconciliation entre Paris et Rome ne sape à tout jamais les bases de la royauté ?
L'enquête menée par la police permet d'établir les responsabilités directes de l'attentat. Carbon et Saint-Régent sont arrêtés et exécutés peu après. Limoélan parvient à s'éch,apper et à se cacher, avant de quitter la France ; il se réfugie aux Etats-Unis où il entre dans les ordres. L'attentat est surtout l'occasion d'une vaste répression contre le parti royaliste dont plusieurs membres sont arrêtés et emprisonnés, à l'image de Simonnet qui rejoint d'Andigné dans
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