Histoire du Japon
ou d’un ministre d’État, pour justifier son privilège. Au mieux, ils pouvaient présenter un papier scellé par les autorités locales, lequel était le plus souvent émis par un gouverneur ou vice-gouverneur à la requête, équivalant d’un ordre, des Fujiwara ou autre puissante famille concernée. Malgré tous les efforts, le nombre des domaines exemptés ne fit ainsi que croître au cours du xie siècle. En outre, l’impuissance du Trône ne se manifestait pas uniquement dans le secteur foncier, mais dans toutes les sphères du gouvernement hormis celle des célébrations rituelles.
Après son abdication, l’empereur Shirakawa (1072-1086) tenta enfin de restaurer l’autorité de la maison impériale en créant le remarquable système de l’Insei, c’est-à-dire des empereurs cloîtrés qui, ayant abdiqué, continuèrent à exercer le pouvoir souverain et, en ignorant les grands officiers de l’État (régent et chancelier), contribuèrent au déclin des Fujiwara. Dans cette lutte, Shirakawa aliéna toutefois une partie importante du domaine public pour réunir les fonds dont il avait besoin, en sorte que ses efforts, multipliant le nombre des domaines privés exemptés d’impôts, allèrent finalement à l’encontre de l’objectif visé par les édits de Go-Sanjô 16 .
Dictateurs héréditaires
Pour comprendre le rôle joué par les régents Fujiwara, il serait superflu d’énumérer dans l’ordre et le détail les agissements de ceux qui succédèrent à Tadahira. Leurs succès et échecs personnels en matière de gouvernement n’ont pas grande importance, et l’intérêt de leurs carrières réside essentiellement dans le fait qu’elles illustrent l’ascension rapide de leur clan. En bref, il y eut Saneyori, fils de Tadahira ; Koretada, fils de Morosuke, frère de Saneyori ; Kanemichi, Yoritada et Kaneie, fils de Koretada ; et Michitaka, Michikane et Michinaga, fils de Kaneie. Avec Michinaga, la famille Fujiwara, étant parvenue à la domination complète de la maison régnante, atteignit le sommet de sa puissance et de sa renommée.
On ne sait pas très bien quel genre d’hommes ils étaient du fait que les chroniqueurs de l’époque avaient coutume de les flatter et que, pour la plupart, ils n’avaient à leur actif aucune réalisation d’intérêt public constructive, s’étant tout entiers consacrés à la mise en valeur des intérêts privés de leur clan. On pourrait d’ailleurs dire à juste titre que l’histoire des régents Fujiwara n’appartient pas à l’histoire de la pensée politique, mais se résume au développement, et à l’application dans le domaine politique, de ce principe héréditaire qui était déjà si solidement implanté dans la vie japonaise, si communément approuvé dans la société du pays.
La véritable base du pouvoir des Fujiwara ne résidait pas dans le rang ou le talent des hommes, mais dans le succès matrimonial des femmes. Les Fujiwara qui obtinrent les plus hauts offices n’étaient pas forcément les membres les plus capables et les plus éminents du clan, mais ceux que leur mariage rendait le plus proche du souverain ou de son héritier : beaux-pères, beaux-frères ou grands-pères maternels. Ainsi, le ministre d’État Fujiwara Morosuke avait une fille, Yasuko, qui épousa l’empereur Murakami, et cette parenté lui valut comme à ses descendants un prestige tout particulier. Et lorsque Yasuko donna le jour à un héritier présomptif, qui en 967 devint l’empereur Reizei, sa position de grand-père maternel du souverain conféra à Morosuke une a itorité presque illimitée, ce qui ne l’amena pas pour autant à quitter les fonctions relativement modestes qui étaient les siennes au gouvernement.
A la mort du régent Koretada, en 972, son troisième fils, Kaneie, qui était un homme ambitieux et impitoyable, s’efforça de reprendre sa place. Mais son aîné, Kanemichi, avait eu soin d’obtenir de l’impératrice Yasuko une promesse écrite, à laquelle, bien qu’il n’aimât pas Kanemichi, son fils – devenu l’empereur régnant – n’osa pas se soustraire, car sa mère avait déclaré : « La succession à la charge de kampaku doit se faire par rang d’âge. Il ne doit y avoir d’exception à cette règle sous aucun prétexte. »
En l’occurrence, ce ne sont donc pas les désirs de l’empereur régnant mais ceux d’une impératrice douairière Fujiwara qui déterminent la succession à la haute
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