Histoire du Japon
exercée sur les souverains pour qu’ils prennent pour femmes les Fujiwara que le clan choisissait pour eux était si puissante que Sanjô épousa la deuxième fille de Michinaga, Go-Ichijô la troisième (qui était sa tante), son frère Go-Suzaku la quatrième (également sa tante), et que la cinquième et dernière fut donnée au fils de Sanjô, héritier présomptif et déjà marié*.
* Le tableau suivant devrait rendre plus clair les liens complexes qui unissaient Michinaga au Trône par l’intermédiaire de ses filles :
Il faut admettre que la politique de Michinaga visant à établir des liens matrimoniaux avec la maison impériale fut menée de façon consciencieuse. C’était d’ailleurs un homme qui pensait grand et agissait de même. Il est dommage que nous ne connaissions pas vraiment sa personnalité, car quoi qu’on pense de lui du point de vue moral, on doit reconnaître que c’était un homme de talent, l’homme d’État le plus important de son temps, et l’une des plus grandes figures de l’histoire du Japon. Qu’il fut un homme exceptionnellement puissant et doué ressort clairement du simple fait qu’à une époque où l’autorité impériale était faible et où le pouvoir des seigneurs guerriers provinciaux augmentait rapidement, il réussit non seulement à tenir en échec les forces subversives, mais à porter le clan Fujiwara au faîte de la puissance et de la gloire par pure virtuosité politique.
Quoique les témoignages sur son caractère soient contradictoires, il ne fait aucun doute qu’il possédait la forme de jugement et la connaissance de la nature humaine dont a besoin un meneur d’hommes. La plupart des documents s’accordent à reconnaître qu’il était courageux, et très maître de lui. C’était un habile archer et un bon cavalier, et ses amis prisaient fort sa poésie. Il savait d’ailleurs employer ses amis comme il savait conquérir ses ennemis, car il avait, affirme l’un de ses chroniqueurs, une profonde compréhension du cœur humain. Il savait ce qui se passait dans l’esprit des gens de toutes sortes, du plus haut au plus bas. Il aimait faire les choses en grand, et n’éprouvait aucun scrupule à travailler dans l’intérêt de sa famille et de son clan. Il avait très bonne opinion de lui, se disant sans défaut, comme la pleine lune chevauchant les cieux. Il est vraiment dommage qu’on n’en sache pas plus sur sa vie intérieure. Il adorait l’ostentation, le luxe et, bien sûr, l’exercice du pouvoir, mais durant ses dernières années il consacra beaucoup de temps à la prière et à de pieuses entreprises. On ignore toutefois si son sentiment religieux était ou non profond.
On sait qu’il prodigua d’importantes sommes à la construction de sanctuaires et de temples, ainsi qu’à des cérémonies bouddhiques auxquelles des milliers de moines prenaient part. Il vénérait, dit-on, le sûtra du Lotus, qu’il recopia en lettres d’or ; et il semble avoir invoqué le Bouddha Amida sur son lit de mort pour être admis au paradis. On rapporte en outre qu’il reprochait aux fonctionnaires de négliger les rites shintoïstes, et, comme chef de son clan, il développa le rituel du Kasuga et d’autres sanctuaires shintoïstes. Mais l’observance cache souvent un manque de ferveur religieuse, et il se pourrait que, comme nombre de ses contemporains, Michinaga fût superstitieux plutôt que dévot.
La puissance et la gloire
L’ascension des régents Fujiwara fut conduite à son point culminant par Michinaga. Son époque est dépeinte dans un ouvrage intitulé Eiga monogatari, qu’on pourrait, en forçant un peu, traduire par « Récits de la puissance et de la gloire ». Il est favorable au clan Fujiwara, mais il existe également une chronique, O-Kagami, ou le Grand Miroir, qui est plus critique à l’égard de Michinaga. Outre ces ouvrages majeurs, on trouve enfin un ensemble important de journaux intimes et autres carnets de notes écrits du temps de la suprématie Fujiwara. En tant que sources d’information sur les événements, on peut les écarter, car ils traitent de ce qui semble à première vue la vie de la cour dans ce qu’elle a de plus superficiel, c’est-à-dire de subtilités d’étiquette et de détails de rituels. Mais leur existence même témoigne d’un aspect significatif de la vie métropolitaine sous le règne des Fujiwara, en sorte qu’une brève description de leur contenu peut à juste titre
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