Histoire du Japon
jardin avec un complice (son frère Takaie) et tira sur lui aussitôt qu’il le vit apparaître. Une flèche effleura la manche impériale ; il en résulta, bien sûr, une grande agitation, car c’était un crime grave que de faire violence à un moine, et l’incident avait mis l’ex-empereur dans une situation ignominieuse. Profitant de l’affaire (qu’ils avaient probablement montée eux-mêmes), les partisans de Michinaga accusèrent les deux jeunes gens de lèse-majesté. On était alors en 996.
L’affaire fut soumise aux plus éminents juristes (« myôbô hakase ») du moment, qui décidèrent que la faute revenait non aux protagonistes, mais à leurs serviteurs. Cependant, Michinaga lança d’autres accusations, et Korechika fut nommé vice-gouverneur du Kyüshü, et son frère, attaché au gouvernement provincial d’Izumo 18 . C’était là des sentences d’exil déguisées, auxquelles les deux coupables tentèrent de se soustraire. A l’époque, la situation de l’impératrice Sadako, sœur de Korechika, devenait difficile en raison des intrigues d’alcôves des autres épouses de l’empereur et de leurs partisans respectifs. Au printemps 996, elle quitta le palais impérial pour la résidence de Nijô, où, à la fin de l’année, elle accoucha de la princesse Osako. En son absence, la princesse Yoshiko et autres favorites de l’empereur avaient consolidé leur position, en sorte qu’elle se trouvait pratiquement seule. L’impératrice douairière ne l’aimait pas, elle avait perdu ses plus proches parents, et Michinaga veillait à ce qu’aucun courtisan ne prît son parti.
L’empereur ne la négligea pas. Il lui rendait visite dans sa retraite, et, le moment venu, elle rentra au palais avec son bébé. En 999, elle eut un autre enfant, un garçon cette fois, et au début de l’année suivante, elle fut élevée à la vraie position d’impératrice ( kôgô ), le titre d’épouse ( chùgù ) qui avait été le sien jusque-là n’étant pas à strictement parler de rang impérial. C’est à cette époque (999) que la fille de Michinaga, Akiko 19 , alors dans sa douzième année, entra au palais comme concubine éventuelle (nyôgo), et future favorite de l’empereur.
Ce fut le début du déclin de Sadako. Désormais, personne ne la vit plus hors du Koichijôin, où elle vivait avec l’empereur, et grâce aux « précautions » de Michinaga, aucun personnage important ne la reçut plus qu’en intruse dans la résidence de Narimasa.
La pauvre femme mourut en couches, à peine âgée de vingt-cinq ans. A voir ce que dit d’elle, dans ses Notes de chevet, sa dame d’honneur Sei Shôna-gon (qui avait plutôt la dent dure), elle devait être douce et enjouée, très aimée de son entourage. Sei s’éprit manifestement de l’épouse enfant dès son arrivée à la cour. Elle décrit un tableau charmant, où Sadako, qui n’avait alors que quinze ans tandis qu’elle-même en comptait vingt-cinq, lui montre des images dans l’espoir de la mettre à l’aise : « Il faisait froid, et c’est à peine si je voyais sa main dépasser de sa manche. Elle était d’un joli rose pâle et je la trouvai très belle. J’étais tout yeux pour sa personne, et je me demandais avec stupeur, arrivant à peine de province, comment des êtres aussi adorables pouvaient exister en ce monde. »
Des petits croquis de Sei Shônagon ressort une vision vraiment délicieuse de la vie telle qu’elle se déroulait dans les appartements privés de la souveraine. On y parlait de livres et de peintures, et les jeux innocents auxquels on se livrait étaient à peine teintés d’espièglerie. Le portrait que, touche après touche, brosse Sei de l’impératrice est celui d’une femme intelligente, sensible, ravissante et douce. Elle savait rire des plaisanteries inoffensives dont ses dames ou les gentilshommes de l’empereur faisaient parfois l’objet, mais elle était prompte à réprimander lorsqu’elle sentait dans un geste ou dans un propos une intention méchante. Même ses reproches étaient plaisants, à en croire Sei Shônagon ; elle détestait la cruauté sous toutes ses formes, et elle avait les plus délicates attentions Dour ceux qui l’entouraient. Elle était cultivée, et son esprit valait son cœur. Elle était pieuse et modeste. Quand quelqu’un parlait du régent avec un respect obséquieux, elle disait qu’il était plus glorieux de suivre les traces du Bouddha que
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