Histoire du Japon
Cette année-là, des pirates (« jurchen ? ») de la Corée du Nord attaquèrent la province de Chikuzen, et la cour offrit une récompense aux soldats des provinces voisines s’ils parvenaient à chasser les envahisseurs. Avant que la nouvelle de cette proposition n’atteignît les commandants locaux (aux ordres de Takaie, que haïssait Michinaga), ceux-ci avaient déjà défait les jurchen ; mais la cour refusa de payer la récompense parce que la victoire avait précédé sa promesse. Dans une occasion similaire, alors que se posait une question militaire urgente, la cour perdit dix jours en discussions avant de définir le moment favorable à l’action. En 1028, lorsqu’il fallut envoyer une expédition pour réprimer le soulèvement de Taira Tadatsune, on attendit quarante jours durant le moment propice au départ de ses commandants. Selon Yorimichi, les voyages courts n’avaient pas d’importance, mais les entreprises difficiles exigeaient toutes les précautions.
C’est de cet accent mis sur les devoirs rituels que naquit l’habitude de baser les nominations sur la naissance et non sur le talent, car la capacité d’un fonctionnaire était moins importante que sa lignée et que sa connaissance de l’étiquette. En conséquence de quoi nous constatons qu’à partir de l’an mille environ, alors que le pouvoir exécutif réel s’exerçait dans le mandokoro Fujiwara, les postes ministériels commencèrent à perdre de l’importance tout en conservant leur prestige dans les milieux de la cour, et à être occupés par les membres d’une famille ou d’un groupe se prévalant de droits héréditaires. Le monopole de la fonction de chef (« haku ») du ministère de la Religion (« Jingikan ») par la famille Shirakawa compte parmi les exemples les plus frappant de cette pratique. De même, certains emplois de secrétaire furent occupés pendant des siècles par les membres des clans Nakawara, Kiyowara et Oe.
Ce qui comptait désormais dans les nominations officielles, c’était les liens de parenté. Dans une certaine mesure, la chose avait de tout temps été vraie, mais elle devint de règle sous les Fujiwara, où le mérite ne conférait plus à lui seul un quelconque avantage. Le résultat de ce système fut un déclin moral chez les candidats ordinaires à une charge, car même pour les fonctions qui n’étaient pas héréditaires ils devaient trouver un patron, et la quête d’un emploi ou d’une sinécure conduisit ainsi à toutes sortes d’intrigues et de manœuvres indignes, où la flatterie et l’obséquiosité jouaient un rôle actif. Les membres de la Maison impériale, y compris les impératrices et les princes héritiers, se trouvaient eux-mêmes dans une position très fâcheuse s’ils n’avaient pas la protection du chef du clan Fujiwara. En fait, la situation de l’empereur et de sa cour était souvent fort humiliante. Privés d’autorité réelle, les souverains souffraient de l’incompétence de ceux qui composaient leur entourage, et qui avaient été nommés à leur poste pour les motifs les plus divers mais jamais pour leur aptitude. La sûreté du palais lui-même, et de toute la ville impériale, était mise en danger par l’irresponsabilité de ceux qui étaient chargés d’y veiller. Le commandant (« bettô ») du service de police métropolitain (kebiishi-chô), qui avait pour mission de débusquer et d’arrêter les criminels, était choisi en fonction de son ascendance. En 1025, un jeune homme de dix-sept ans fut nommé à ce poste clé ; et peu après son avènement, en 1107, l’empereur Toba définit comme suit les qualités requises pour cette nomination : bonne famille, bon sens, connaissance des précédents, bonne présentation, haut rang à la cour et fortune.
Il n’y a donc pas à s’étonner que les conditions qui régnaient dans la capitale fussent extrêmement dangereuses. Les incendies, accompagnés de vols, étaient des plus fréquents. Entre 990 et 1010, les chroniques signalent presque chaque année u i grave incendie dans la ville même ou à proximité, souvent avec vol ou destruction par le feu de biens de valeur et de livres précieux. Ce sont les palais et les riches monastères qui semblent avoir le plus souffert, et l’on ne peut douter que les incendies volontaires étaient monnaie courante.
L’incapacité de la police métropolitaine à maintenir l’ordre peut paraître une question sans grande importance
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