Histoire du Japon
ainsi votre dignité.
« Réfléchissez trois fois avant de dire quelque chose à quelqu’un. Ne laites jamais rien à la légère. Prenez soin de vous, passez vos journées comme il convient, et n’oubliez pas vos erreurs passées. Gardez toujours présents à l’esprit les agissements des sages, et ne faites rien qui soit sans précédent. « Ne discourez jamais sur votre pauvreté ni sur vos richesses. En général, les questions personnelles et domestiques doivent être strictement évitées comme sujets de conversation.
« De vos vêtements et de vos coiffures jusqu’à vos voitures, ne faites usage de rien que la nécessité n’exige, et ne recherchez ni la beauté ni la parade. « N’empruntez jamais ce qui appartient à autrui. Il ne peut y avoir d’exception que dans le cas des affaires publiques, et alors la chose empruntée doit être promptement retournée à la date promise.
« Quand les actions d’hommes de valeur viennent à votre connaissance, prenez la résolution de chercher à les égaler, aussi difficile que ce soit. « Quiconque a une position officielle devrait stimuler ceux qui sont sous sa direction, s’acquitter en toute occasion de ses moindres responsabilités, suscitant ainsi l’approbation de ses collègues.
« Quand vous procédez à des nominations, souvenez-vous que, eût-elle du talent, une personne ne vaut la préférence que si elle a aussi du zèle ; alors qu’un homme qui n’est pas véritablement un sage mais se montre empressé et travailleur mérite d’être promu.
« A la cour, il est souhaitable que vous cultiviez la gravité et la solennité. En privé, vous devez vous montrer détendu, avec humanité et amour. Ne vous offensez jamais de petites choses. Si quelqu’un a commis une faute, même en réglant rigoureusement l’affaire, montrez-vous patient. Ne cédez jamais à une grande colère.
« Qu’il n’y ait pas d’excès dans votre joie ni dans votre colère. Que les actions de tous les jours soient telles qu’elles constituent pendant mille ans un exemple édifiant.
« Ne touchez pas au revenu de votre maison avant de l’avoir divisé en dix parts, et consacrez-en une aux aumônes.
« Prenez par avi nce toutes les dispositions pour la conduite de vos affaires après votre mort. […] En ne le faisant pas, vous créez toute espèce d’ennuis à votre femme, à vos enfants et à vos serviteurs, qui doivent ensuite demander des faveurs à ceux dont ils ne devraient rien attendre, ou perdent celles qu’ils devraient conserver, provoquant ainsi la ruine de votre maison et la critique des autres.
« Mettez toujours de côté une portion de votre revenu pour les Sept Messes de Requiem, pour le repos de votre esprit, et d’abord pour les frais mêmes de vos obsèques.
« Vous qui venez après moi, considérez ces choses avec ferveur, et consacrez-vous toujours aux affaires publiques et privées avec la plus grande diligence. »
Ces froides injonctions à la postérité ne ressemblent pas aux sentiments d’un grand noble régnant sur une aristocratie prodigue et dissolue. Elles évoquent plutôt les paroles d’un prophète déplorant les maux de son temps. Mais plus que de principes moraux, il s’agit de règles permettant d’atteindre au succès grâce à une parfaite maîtrise de soi, et à l’observation d’un code de comportement très strict inspiré de la foi bouddhique et de la piété confucéenne. Leur trait le plus marquant est peut-être la grande importance donnée à la piété filiale, jointe à la désapprobation de tous rapports sociaux hors de l’accomplissement des seuls devoirs publics. La famille constitue l’unité, le moyen et le but de la vie. Elle est autonome et indépendante, voire hostile aux autres familles. En public, les qualités recommandées sont la gravité et la solennité. Ce n’est qu’au sein de la famille qu’on peut abandonner un peu de la réserve qui fait l’homme bien élevé, et se détendre dans une atmosphère d’humanité et d’amour.
Ce qui, à première vue. peut sembler surprenant, c’est l’accent mis sur la sobriété et la simplicité. Une partie de ce trait est bien sûr d’origine confucéenne, car le sage doit toujours éviter l’excès quel qu’il soit. Mais il vient également d’une disposition persistante du tempérament japonais qu’on trouve dans le premier rituel shintoïste et dont témoigne toute l’histoire sociale du pays. Il est intéressant
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